Des précautions s’imposent donc dans le fonctionnement des services (principalement le service communication et le cabinet) afin d’éviter que la méconnaissance de ces règles n’entraîne l’annulation de la future élection, voire l’inéligibilité du candidat tête de liste.
À compter du 1er septembre 2025, les élus sortants devront garder deux règles, propres à la période préélectorale, à l’esprit.
La première règle est posée par le deuxième alinéa de l’article L. 52-1 du Code électoral qui dispose qu’à compter de cette date « aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin ».
Interdiction des campagnes de promotion publicitaire
Compte tenu de la raison d’être de la règle – favoriser l’égalité des chances entre les candidats concurrents, en évitant que l’électeur soit influencé dans son vote par la valorisation, sur fonds publics, des réalisations des élus sortants – la date du 1er septembre 2025 est celle après laquelle aucune campagne de promotion ne doit être portée à la connaissance de l’électeur. C’est bien la date à laquelle l’électeur reçoit le message qui compte, peu importe que la campagne de promotion publicitaire ait été conçue, commandée, imprimée ou réglée par la commune avant le 1er septembre 2025 : elle sera illégale si elle est rendue publique après cette date.
Au regard de la jurisprudence, deux précautions permettent d’éviter de lancer une campagne de promotion publicitaire interdite.
La première précaution tient à la forme du message. À partir du 1er septembre 2025, tout changement dans la forme des supports de communication de la collectivité pourra trahir la volonté de l’élu d’améliorer l’image de l’action de son équipe. Ainsi, la notion de campagne de promotion publicitaire interdite ne se limite pas au lancement d’une campagne publicitaire radicalement nouvelle, autour d’un thème précis ; elle peut résulter, de manière plus insidieuse, d’une rupture avec les pratiques antérieures qui peut prendre la forme de l’accélération de la fréquence de parution, ou la diffusion de numéros spéciaux des supports existants (CE, 10 juill. 2009, n° 322070, Élection municipale de Briançon).
Elle peut également être identifiée dans la réactivation d’un support délaissé depuis plusieurs mois (CE, 21 janv. 2015, n° 382824, Élections municipales de Montcy-Notre-Dame).
Enfin, la rupture peut être révélée par l’augmentation du volume du support et le bouleversement de sa composition interne (CE, 6 mai 2015, n° 383305, Élection municipale d’Ailly-sur-Noye). Respecter en tout point la pratique traditionnelle de la collectivité est donc le premier mot d’ordre.
La seconde précaution à observer à compter du 1er septembre 2025 dans la communication institutionnelle concerne le fond du propos. Pour éviter la violation de la loi, la communication publique devra être guidée par le seul souci de délivrer une information à la fois neutre et utile aux habitants. S’il est permis de « faire savoir » (et donc de continuer à informer sur les actions municipales), il est interdit de « faire valoir », la différence résidant dans l’emploi de termes flatteurs, principalement des adjectifs, des adverbes et certaines tournures de phrases laudatives ou polémiques.
Ainsi, le juge de l’élection permet la présentation d’un bilan « dépourvu de toute polémique électorale et qui se limite en termes mesurés, à dresser le bilan financier de la mandature et à faire état de certaines des réalisations de la commune » (CE, 17 déc. 2008, n° 318459, Élection municipale de Coullons), mais sanctionne la publication, sur fonds publics, d’un « bilan avantageux » (CE, 6 févr. 2002, n° 234903, Élection municipale de Pont-de-Chéruy) ou présenté « sous un angle particulièrement favorable » (CE, 18 déc. 1996, n° 176283, Élections municipales dans le XVIe arrondissement de Paris).
Cas des inaugurations
Certaines manifestations – et pas seulement les publications afférentes – pourront constituer, par elles-mêmes, des campagnes de promotion publicitaire interdites : si les inaugurations ne sont pas, par principe, interdites en période électorale et peuvent être organisées jusqu’à une date très proche du scrutin, leur date doit cependant toujours être justifiée par le calendrier des travaux ou des circonstances étrangères à la tenue des prochaines élections.
Le juge électoral vérifie que la date des différentes inaugurations auxquelles le maire sortant a procédé n’a pas été artificiellement anticipée ou retardée, par rapport à l’achèvement des travaux ou l’ouverture au public, en vue d’influer sur le vote prochain des électeurs (CE, 7 mai 1997, n° 176788, Élections municipales d’Annonay).
Manifestations sportives ou culturelles. Certaines manifestations bénéficient d’un traitement particulier compte tenu de leur objet, qui ne porte pas sur les réalisations municipales : le juge électoral considère que les manifestations sportives ou culturelles, y compris si elles sont organisées pour la première fois dans les six mois précédant le mois de l’élection peuvent être légalement organisées, à condition qu’elles ne s’accompagnent pas d’actions destinées à influencer les électeurs, telles que la distribution, par les élus sortants, de cadeaux frappés du logo ou du slogan de leur campagne.
Gare aux avantages en nature
La seconde règle particulière que les élus sortants doivent observer durant la période préélectorale figure au deuxième alinéa de l’article L. 52-8 du Code électoral, qui énonce que « Les personnes morales, à l’exception des partis ou groupements politiques, ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat, ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués. »
Les communes, leurs groupements, comme les sociétés d’économie mixte (SEM) et les sociétés publiques locales (SPL), sont autant de personnes morales qui ne peuvent mettre leurs moyens, qu’ils soient financiers, matériels ou humains, au service d’une campagne électorale, sous peine, dans les communes de 9 000 habitants et plus, d’entraîner à la fois le rejet du compte de campagne du candidat tête de liste qui aura consenti à bénéficier de cet avantage et son éventuelle inéligibilité.
Dans toutes les communes, cette fois sans distinction de population, une telle irrégularité pourra entraîner l’annulation du scrutin si la perception de l’avantage a eu, selon le juge, un effet décisif sur le résultat de l’élection.
Support édités par la collectivité et discours. Lorsque des supports sont édités par la collectivité, ou lorsque des discours sont prononcés à l’occasion d’événements qu’elle organise, un appel à voter pour un candidat ou à se joindre à sa campagne électorale conférerait un caractère électoral aux dépenses afférentes. L’avantage accordé par la collectivité à la campagne de l’élu sortant, en violation du Code électoral, serait alors caractérisé. Il en irait de même si le support ou la manifestation municipale était l’occasion de critiquer le programme des listes adverses ou de populariser le slogan de campagne utilisé par le maire sortant.
Salles municipales. Concernant l’utilisation de salles municipales par des candidats, le Conseil d’État admet sa gratuité, sans que cette mise à disposition constitue une violation de l’article L. 52-8 du Code électoral, « dès lors que l’ensemble des candidats a pu disposer de facilités analogues » (CE, 8 juin 2009, n° 322236, Élection municipale de Corbeil-Essonnes).
En revanche, l’utilisation, par un élu sortant, dans un support de propagande électorale, d’une photographie dont les droits de reproduction appartiennent à la commune constitue, en l’absence de règlement, par le candidat, à la commune, de la valeur marchande de ces droits, un avantage illégal accordé à sa campagne (CE, 11 juin 2009, n° 321573, Élection municipale de Givors).
Aides sociales et cadeaux. Enfin il convient d’éviter d’amplifier massivement, après le 1er septembre 2025 et jusqu’au jour de l’élection, les conditions d’attribution des aides sociales ou de distribution de cadeaux par la collectivité.
Par exemple, le juge électoral a prononcé l’inéligibilité d’un maire dont le centre communal d’action sociale (CCAS qu’il préside) avait décidé que les colis de Noël pour les séniors, jusqu’alors attribués sous conditions de ressources seraient désormais attribués sans conditions de ressources, faisant décupler le nombre de colis distribués moins de six mois avant l’élection. Pour le juge, « compte tenu de la distribution massive et à des conditions inhabituelles de colis de Noël à des électeurs, dans une période proche de l’élection », le maire doit être regardé, dans les circonstances de l’espèce, comme ayant bénéficié d’un concours financier du CCAS à sa campagne électorale (CE, 13 juin 2016, n° 394675, Élection cantonale du Livradais).
Philippe Bluteau, avocat au barreau de Paris, cabinet Oppidum Avocats