Adoptée en première lecture par le Sénat, le 20 mars 2024, la proposition de loi visant à expérimenter le transfert de la compétence « santé scolaire » aux départements volontaires a été déposée devant l’Assemblée nationale le 23 juillet 2024. Dans l’attente de son examen, la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat a confié au cabinet Ernst & Young une étude d’options pour élaborer plusieurs scénarios possibles. Après sa remise, la Délégation a autorisé, lors de sa réunion du 12 décembre 2024, la publication d’un rapport d’information. Daté du 20 décembre, celui-ci a été mis en ligne fin janvier 2025.
En préalable, l’étude confirme « le diagnostic partagé sur l’état préoccupant de la santé scolaire en France », pointe le rapport. Quelques chiffres pour l’illustrer : la chute de plus de 28 % de l’effectif des médecins scolaires depuis 2013, un taux d’encadrement d’un médecin pour 12 800 élèves et d’un infirmier pour 1 303 élèves. Ce taux explique que moins d’un élève sur cinq a bénéficié de la visite médicale, pourtant obligatoire, en classe de sixième.
Le cabinet Ernst & Young a approfondi deux scénarios.
- Un transfert de compétence aux départements. D’un point de vue juridique, et s’il suppose des prérequis et des travaux préparatoires, il serait envisageable, estime l’étude. Le frein identifié par le cabinet est « non pas juridique, mais financier. »
- La création de groupements d’intérêt public (GIP), qui faciliterait la mise en œuvre de la santé scolaire dans les territoires. Ces groupements permettent à divers acteurs de mettre des ressources en commun et de coordonner leur action à l’échelle d’un territoire, rappelle le cabinet Ernst & Young.
Si le transfert de la compétence « santé scolaire » aux départements apparaît « cohérent » aux yeux du président de la Délégation, le sénateur du Cantal (Groupe Union Centriste) Bernard Delcros, car les services de santé de l’enfant réunissant les moyens et missions de la protection maternelle et infantile (PMI) leur sont déjà confiés, le contexte financier a changé la donne. « L’enthousiasme des départements a vécu », résume sobrement le rapport. Au moment de l’examen du texte par le Sénat, Départements de France (DF) avait indiqué que, selon un sondage réalisé en 2023, la moitié des 40 départements interrogés s’était déclarée prête à un tel transfert. Aujourd’hui, seul le département de la Nièvre serait toujours volontaire pour cette expérimentation ! La Délégation sénatoriale en tire un premier enseignement : « recueillir la position actuelle des départements sur la démarche d’expérimentation, dans le cadre de la poursuite de l’examen de la proposition de loi ».
Par ailleurs, l’étude d’options a fait émerger dans le débat un sujet qui ne figurait pas dans le texte examiné par le Sénat en mars 2024. En effet, le cabinet Ernst & Young rappelle que certaines communes de grande taille exercent d’ores et déjà des compétences en matière de santé scolaire, sur la base d’une convention avec l’État. Il s’agit de : Antibes, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Lyon, Nantes, Rennes, Grenoble, Paris, Strasbourg, Vénissieux et Villeurbanne. Selon la Cour des comptes, citée dans l’étude, le taux de réalisation de la visite médicale des enfants dans leur 6e année est beaucoup plus élevé dans les villes délégataires que dans les académies. « Mais ce volontarisme local semble représenter un coût important pour les communes concernées », relève la Délégation. Ainsi, les données budgétaires fournies par l’association France urbaine, dans le cadre de l’étude d’options, établissent que le coût de la prise en charge pour ces communes s’élève à près de 40 euros par enfant et par an alors que l’État verse une subvention moyenne de 9,50 euros aux onze villes gestionnaires du service de santé scolaire. D’où le second enseignement établi par la Délégation : « évaluer l’intérêt de confier aux communes la compétence “santé scolaire”, en particulier dans le cadre d’une convention de délégation de compétence conclue avec l’État. »
Enfin, l’étude d’options conduit à s’interroger sur les améliorations susceptibles de faciliter l’exercice du métier des professionnels du domaine de la santé scolaire : meilleure attractivité des conditions de travail, formations continues adaptées, mise en place d’une plateforme numérique pour centraliser les données et faciliter le suivi des élèves, cumuls d’activités plus étendus pour les médecins scolaires, meilleures rémunérations… La Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation en tire un troisième et dernier enseignement, à savoir : « améliorer les conditions d’exercice du métier des professionnels de la santé scolaire ».