Le 5 décembre 2024 s’annonce donc comme une nouvelle date importante dans le calendrier social français. Cette mobilisation, initiée par plusieurs syndicats de la Fonction publique (CGT, CFDT, UNSA, FSU, Solidaires, CFE-CGC et FA-FP), fait suite à un contexte économique tendu et aux mesures d’austérité annoncées par le gouvernement dans le projet de loi de finances (PLF) 2025 et le PLFSS 2025. Ces mesures d’économies, notamment la réduction de 100 % à 90 % de l’indemnisation des congés maladie des fonctionnaires, et l’instauration de trois jours de carence non payés, au lieu d’un actuellement, pour ces absences – hors pathologies lourdes – ont cristallisé la colère des organisations. Dans ce contexte où le pouvoir d’achat des agents est encore affecté, quelles sont les conséquences financières concrètes pour les fonctionnaires qui choisissent de participer à la grève du 5 décembre, notamment la perte de rémunération pour service non fait en cas de grève ?
Les conséquences financières de la grève : le principe du service non fait
Le principe est clair et simple. En France, pour tout service non fait, il y a une retenue sur salaire. Cette règle s’applique également aux agents publics en cas de grève. En d’autres termes, un fonctionnaire, qui choisit de faire grève, se voit appliquer une retenue de rémunération proportionnelle à la durée de l’interruption de service. Cette règle a été confirmée par le Conseil d’État dans sa décision du 7 juillet 1978 dit « arrêt Omont », qui considère que le non-accomplissement de la mission pour laquelle un fonctionnaire est rémunéré justifie une réduction de son traitement.
Les fonctionnaires, tout comme les salariés du secteur privé, peuvent exercer leur droit de grève, droit fondamental inscrit dans la Constitution. Cependant, ce droit s’accompagne de conséquences financières précises que chaque agent doit pouvoir connaître avant de s’engager. La perte de salaire est calculée selon la durée de la grève, et cette retenue se fait selon la règle dite du « trentième indivisible ». Ainsi, lorsqu’un agent fait grève, la retenue sur traitement est égale à un trentième de sa rémunération mensuelle par jour de grève. Cela signifie que, pour chaque jour de grève, l’agent se voit retirer un trentième de son salaire mensuel brut, quelle que soit la durée de la grève sur cette journée : même une grève d’une heure entraîne la retenue d’un trentième. Cette règle est considérée comme une application stricte du principe de non-rémunération d’un service non fait. La retenue de trentième s’applique non seulement au traitement de base de l’agent, mais également à certaines primes et indemnités. Certaines primes, toutefois, peuvent être exemptées, notamment lorsqu’elles sont liées à des conditions spécifiques, comme par exemple, des primes de sujétion particulière.
Une méthode de calcul de la retenue plus souple selon les collectivités
Si en grande majorité, la règle du trentième indivisible est appliquée par les employeurs territoriaux, la méthode de calcul de la retenue peut varier selon les collectivités, qui peuvent choisir d’appliquer des ajustements en fonction de la durée effective de la grève et proratiser la retenue pour des grèves de courte durée, prenant en compte le nombre d’heures réellement non travaillées, atténuant ainsi les effets financiers pour les agents concernés.
Les fonctionnaires territoriaux se voient impacter une retenue proportionnelle à la durée de la grève soit 1/30e pour une journée d’absence, 1/60e pour une demi-journée d’absence, et 1/151,67e par heure d’absence. Concernant les agents soumis à une durée journalière variable, qui, par exemple pour une journée de 6 heures, font grève une demi-journée, il convient de retenir soit 3/151,67 ou 1/60e. La retenue la plus avantageuse pour l’agent est opérée. La retenue peut être opérée sur le mois suivant le mois d’absence pour grève, mais sur la base du traitement du mois où la grève a eu lieu. L’absence pour grève ne donne lieu à aucune mention sur le bulletin de salaire.
Les conséquences indirectes de la grève
Outre la perte de rémunération, les grèves peuvent avoir d’autres conséquences indirectes pour les agents. Par exemple, les périodes de grève ne sont pas prises en considération pour le calcul des droits à la retraite. La grève peut avoir aussi un impact sur le calcul des jours travaillés dans l’année, influant sur l’évaluation annuelle ou l’attribution de certaines primes d’assiduité. De plus, dans certains secteurs de la fonction publique, des services minimaux peuvent être imposés, réduisant ainsi la portée du mouvement.
Dans la fonction publique hospitalière, la règle du trentième indivisible s’applique, mais il existe des particularités liées aux contraintes du service hospitalier, telles que l’obligation de continuité des soins, la nécessité de maintenir un service minimum, et la réquisition de certains personnels en cas de grève.
La participation à une journée de grève est un acte engageant tant sur le plan symbolique que financier. Face à ces disparités de traitement dans les trois versants de la fonction publique, chaque agent doit pouvoir peser soigneusement les enjeux entre la défense de ses droits face aux mesures gouvernementales annoncées et les pertes salariales potentiellement encourues. Le vrai défi pour les syndicats sera de mobiliser massivement malgré ces contraintes économiques importantes.