Réduction du nombre d’instances sociales, possibilité de conclure des accords collectifs, création d’organes de dialogue social plus stratégiques… En 2019, la loi de transformation de la fonction publique a modernisé et simplifié le dialogue social dans la fonction publique. Cinq ans plus tard, la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes (CRC) tirent un premier bilan de cette réforme, qu’ils considèrent « inaboutie ».
« Si une concertation de nature plus stratégique pour structurer la vie sociale au sein des fonctions publiques n’est que très partiellement amorcée, peu d’accords collectifs ayant été passés, une réduction du nombre de certaines instances a bien eu lieu », précise le rapport, publié en octobre 2024. Mais dans certains cas, elle laisse un nombre parfois très élevé d’instances sociales spécialisées, même davantage qu’avant la réforme de 2019. Au total : la réduction du nombre d’instances est plus faible que prévu et « la simplification attendue marque le pas ».
Les employeurs publics ont installé les nouvelles instances de concertation pour quatre ans, à partir de janvier 2023. La fonction publique territoriale (FPT) en compte désormais trois : un comité social territorial (CST) avec formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail obligatoire s’il y a plus de 200 agents ; une commission administrative paritaire (CAP) par catégorie hiérarchique ; une commission consultative paritaire (CCP) unique. Traitant des contractuels de toutes les catégories, la CCP a été mise en place dans chaque collectivité ou, en cas d’affiliation, auprès du centre de gestion.
L’impact de la réduction du nombre d’instances se voit surtout pour les collectivités les plus importantes. Par exemple, avec la réduction du nombre de points pouvant être inscrits à l’ordre du jour des CAP, l’obligation imposée aux collectivités de tenir deux réunions par an perd de son sens. Ainsi, en l’absence de motif de saisine suffisant, la commune de Bastia n’a organisé aucune CAP depuis le 1er janvier 2021. Et avec l’évolution du rôle des CAP, les centres de gestion sont « repositionnés » dans un rôle de tiers de confiance sur les documents liés à la gestion et à l’organisation des collectivités, et non plus uniquement sur le contrôle statutaire des dossiers individuels.
Le dialogue social peut aussi passer par des échanges informels au sein de groupes de travail : télétravail, protection sociale complémentaire, temps de travail… Ces rencontres informelles, qui ont été nombreuses au sein de la FPT, permettent de préparer les dossiers et d’avoir des discussions apaisées et constructives entre élus et représentants du personnel. Toutefois, le temps consacré à traiter les situations individuelles n’a pas été réduit. De nombreuses collectivités ont maintenu la consultation préalable des élus du personnel pour les actes individuels de gestion de carrière, alors que les CAP ne sont plus compétentes en ce domaine.
Réfléchir aux missions des DRH
Selon la Cour des comptes, pour appliquer la réforme, il faut des transformations « qualitatives » de la gestion des ressources humaines (RH). En effet, en allégeant le formalisme du fonctionnement des CAP, la loi a réduit la charge de travail des DRH. Ce qui devait notamment permettre de réaliser un suivi personnalisé plus performant pour les agents et favoriser une approche plus stratégique de la gestion RH. Il faudra donc réfléchir aux missions des DRH pour réorienter leurs actions ; par exemple, définir des lignes de gestion exigeantes et engager des négociations collectives. En outre, une distinction plus nette doit être faite, au sein des services RH, entre la gestion de proximité du dialogue social et l’approche stratégique des RH. C’est pourquoi la pratique des accords-cadres conclus au niveau supérieur et renvoyant à des accords d’application aux niveaux subordonnés doit être encouragée. Au sein de la FPT, « la mutualisation des négociations entre employeurs, déjà bien amorcée, doit se poursuivre ». De plus, il faudrait assurer des formations « spécifiques et partagées » entre les deux parties du dialogue social et valoriser l’engagement syndical dans le déroulement de carrière. Il conviendrait aussi de construire collectivement des outils et des méthodes adaptés aux différents sujets de dialogue social, afin d’élaborer des bonnes pratiques pour les trois fonctions publiques.
Les juridictions financières estiment que le dialogue social dans la fonction publique coûte 874 millions d’euros – soit 154 euros par agent.
Marie Gasnier