Les communes de moins de 2 000 habitants – près de 85 % de l’ensemble des communes – manquent de moyens pour conduire leurs projets. Notamment, car elles ne peuvent pas organiser leurs propres services d’ingénierie, explique la délégation aux collectivités locales du Sénat dans un rapport d’information flash du 14 juin 2024. Alors que cela fait vingt ans que l’État a brutalement supprimé son assistance de proximité, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ne leur propose qu’une offre « modeste », dans un environnement où les normes sont sans cesse plus complexes. De nombreux conseils départementaux apportent des solutions, mais leur aide reste disparate, morcelée, variable selon les départements… Quant au programme Villages d’avenir, qui conduira l’État à recruter cent chefs de projet, auxquels s’ajouteront vingt postes ETP mis à disposition par le Cerema, il comporte des atouts mais aussi des limites (cf. encadré).
Dans ce contexte, les rapporteurs recommandent de mieux orchestrer les dispositifs d’ingénierie, pérenniser les financements et structurer l’échange de bonnes pratiques, afin d’éviter une « ingénierie à deux vitesses ».
Il faudrait tout d’abord renforcer la coordination des offres d’ingénierie publique. « En leur qualité de délégués territoriaux de l’ANCT », les préfets doivent orienter les élus et identifier les solutions, locales avant tout, susceptibles de venir en appui aux projets des collectivités. Un guichet unique accessible aux élus locaux devrait être déployé dans tous les départements ; or, un tiers en sont aujourd’hui privés. « La qualité du dialogue entre les services préfectoraux et les collectivités est déterminante pour orienter les élus locaux, issus des petites communes notamment, vers les dispositifs d’ingénierie pertinents », précisent les rapporteurs qui insistent sur la nécessité de faire fonctionner partout les comités locaux de la cohésion territoriale (CLCT), « dont le bilan est aujourd’hui inégal ».
Créer un fonds pour pérenniser les financements
Ensuite, plutôt que de lancer des appels à projets, mieux vaudrait pérenniser les financements pour faciliter la planification. Ainsi, créer un fonds, alimenté par une cotisation de 0,1 % sur l’investissement des collectivités, pourrait garantir un minimum d’accès à des financements pérennes.
Troisième recommandation : renoncer au caractère systématique des appels à projets. Ils pénalisent les communes dépourvues de la capacité administrative et technique nécessaire pour y répondre. Il conviendrait aussi de créer un réseau d’ingénierie solide pour diffuser les bonnes pratiques. L’idée : ne pas réinventer des solutions duplicables ou qui ont déjà fait leurs preuves.
Marie Gasnier
Villages d’avenir : point d’étape Depuis début 2024, le programme Villages d’avenir, piloté par l’ANCT, fournit un soutien personnalisé en ingénierie aux 2 458 communes de moins de 3 500 habitants qui ont été labellisées, pendant 12 à 18 mois. Dans leur rapport, les sénateurs relaient certains points de vigilance, signalés par les représentants de la Banque des territoires. L’absence d’enveloppe financière dédiée aux projets peut être décevante si la mobilisation des financeurs n’est pas à la hauteur des attentes. L’assistance à maîtrise d’ouvrage des communes lors de la mise en œuvre opérationnelle, nécessaire pour concrétiser les projets, « ne semble pas avoir été clairement appréhendée ». En outre, la logique d’appels à projets limite le dispositif : en particulier, la durée d’accompagnement est inférieure au « temps de maturation des projets complexes et structurants », car il faut répondre aux besoins de nouvelles communes candidates. |