La Cour des comptes dresse un premier bilan du Pass Culture

Publié le 16 janvier 2025 à 10h00 - par

Le Pass Culture a été adopté par les jeunes, mais sa gouvernance est à revoir en profondeur, estime la Cour des comptes dans un récent rapport.

La Cour des comptes dresse un premier bilan du Pass Culture
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Politique prioritaire du ministère de la Culture initiée en 2017, le Pass Culture a été généralisé en 2021 à tous les jeunes de 18 ans sur l’ensemble du territoire, après des phases d’expérimentations menées dans plusieurs départements. Depuis 2022, ce dispositif est étendu aux jeunes âgés de 15 à 17 ans. Le Pass Culture permet de bénéficier d’un crédit individuel afin d’accéder à des activités ou à des biens culturels et artistiques. Le ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse a également créé une part collective sous forme d’un crédit alloué à chaque classe au prorata du nombre d’élèves, dès la classe de 6e. Le rapport publié par la Cour des comptes juste avant Noël se concentre essentiellement sur la part dite « individuelle » du Pass Culture. Ce rapport analyse la manière dont les jeunes utilisateurs se sont saisis de ce nouvel outil et établit un premier bilan des résultats.

Plus de huit jeunes sur dix utilisent le Pass Culture

« Sur le plan quantitatif, l’ambition d’universalité est en passe d’être réalisée », salue la Cour des comptes. Ainsi, à fin août 2024, 84 % des jeunes de 18 ans révolus utilisaient le Pass Culture. Au total, 4,2 millions de jeunes se sont inscrits sur l’application Pass Culture depuis 2019, observe le rapport.

Bémol apporté par la Cour : 16 % des bénéficiaires potentiels, « correspondant aux publics les moins familiers des pratiques culturelles », n’ont pas adhéré au dispositif. En ajoutant les 9 % des jeunes qui ont téléchargé l’application du Pass sans pour autant l’utiliser, le rapport chiffre à 25 % le nombre des jeunes n’ayant pas bénéficié du Pass Culture. Et les 75 % d’entre eux qui l’ont utilisé n’ont pas dépensé la totalité de leur enveloppe de 300 euros, mais en moyenne un peu plus de 250 euros, ajoute la Cour des comptes. En outre, parmi les jeunes issus des classes populaires, c’est-à-dire dont les parents sont peu ou pas diplômés et exercent une profession d’ouvrier ou d’employé, seuls 68 % ont activé leur Pass Culture.

« L’objectif d’inscrire un nombre maximum de jeunes a ainsi jusqu’à présent prévalu sur l’objectif de démocratisation de l’accès à l’offre culturelle. De même, l’objectif quantitatif (maximiser le nombre de jeunes bénéficiaires) a prévalu sur le souci de qualité des offres, dont le nombre pléthorique de 36 000 montre l’absence de sélectivité », déplore la Cour. Cette absence de contrôle a notamment conduit au financement de 16 millions d’euros d’activités d’escape games depuis le lancement du dispositif. À la suite de ce constat établi par la Cour des comptes, leur déréférencement a été demandé par le ministère de la Culture.

Un impact sur les pratiques culturelles difficile à mesurer

Depuis la généralisation du dispositif, les livres représentent entre 42 et 55 % des montants dépensés chaque trimestre, constate le rapport. Les jeunes utilisent également le Pass Culture pour réserver des places de cinéma et de concert. En revanche, seulement 7 % des jeunes ont réservé, en moyenne, au moins une fois un spectacle vivant autre que musical (théâtre, danse, cirque…) via l’application. Les grands opérateurs publics du spectacle vivant semblent réticents à s’ouvrir au public détenteur du Pass Culture, pointe la Cour des comptes. Seuls 55 % des musées y sont inscrits.

En outre, l’organisme en charge de ce Pass, la société Pass Culture, n’étant pas mandaté pour s’assurer de la qualité des offres proposées, la part individuelle du Pass Culture offre une liberté totale à l’utilisateur dans le choix de ses pratiques. Les outils de recommandations éditorialisés ou algorithmiques développés par la société ont eu peu d’effet, puisque 90 % des réservations ont été réalisées à partir d’une première consultation du moteur de recherche, et non à partir des propositions poussées par l’application. « Dès lors, le principal impact du Pass Culture observé sur les premières cohortes se traduit plutôt par une intensification des pratiques culturelles déjà bien établies chez les jeunes », conclut le rapport

Une gouvernance à réformer

La gouvernance du Pass Culture est « à revoir en profondeur », plaide la Cour des comptes. La transformation de la société Pass Culture en opérateur de l’État, recommandée par la Cour dans son rapport de juillet 2023 sur la genèse du Pass Culture, a été annoncée par le ministère de la Culture pour 2025. À terme, l’internalisation des activités et agents de la société Pass Culture au sein du ministère de la Culture permettra un meilleur pilotage du dispositif, se félicite la Cour des comptes. « En toute hypothèse, il n’apparaît pas opportun d’envisager de nouveaux axes de développement des missions du Pass Culture dont le dispositif doit être consolidé et amélioré », insiste-t-elle.

Sur le plan budgétaire, le Pass Culture, financé quasi exclusivement par l’État, s’apparente à une dépense de guichet difficilement maîtrisable, indique le rapport. La dépense budgétaire pour la part individuelle du Pass Culture s’établissait à 93 millions d’euros en 2021 et est prévue à hauteur de 244 millions d’euros en 2024. À cette dépense, s’ajoutent les 80 millions d’euros (prévisions 2024) de la part collective, financée par le ministère de l’Éducation nationale. Dans un contexte de finances publiques dégradées, plusieurs pistes d’économies sont envisageables. La Cour des comptes en avance deux : la réduction du montant du crédit alloué aux jeunes de 18 ans (actuellement 300 euros par bénéficiaire) ou le ciblage des bénéficiaires selon des critères sociaux ou territoriaux.


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