Achèvement et qualité des réseaux en fibre optique, fermeture du réseau historique téléphonique en cuivre, sécurité et pérennité des infrastructures et des services numériques… Réunis à Strasbourg pour l’Université de la transition numérique des territoires, les 15 et 16 octobre dernier, les représentants des élus (Avicca) et de la filière (InfraNum) ont rappelé les nombreux défis restant à relever pour que le plan France très haut débit (France THD) soit un succès. À commencer par le « 100 % fibre ». En effet, alors que le président de la République a fixé l’objectif d’une couverture totale du pays en fibre optique en 2025, on sait déjà que ce ne sera pas le cas. Les opérateurs prévoient une couverture moyenne nationale de 95 % fin 2025 et de 96 % fin 2026, selon des chiffres rendus publics par le régulateur des télécoms, l’Arcep. Désormais, l’objectif de 2030 est évoqué. Un contexte d’autant plus incertain que le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoit des décalages de paiement des subventions aux collectivités, après une première annulation de crédits en février 2024. Ces décisions mettent à mal la trésorerie des collectivités, qui ont besoin de ces fonds pour achever les réseaux d’initiative publique (Rip). « On reporte sur les collectivités la trésorerie des subventions que l’État aurait dû payer en 2025 », a précisé le président de l’Avicca et sénateur de l’Ain, Patrick Chaize.
À cela s’ajoutent 450 000 raccordements « complexes » qui resteront à effectuer, nécessitant des travaux de génie civil spécifiques et pour lesquels il n’existe aujourd’hui aucune solution de financement. Sans compter que le portage politique du numérique n’a cessé de chuter. De ministère, en ministère délégué, et en secrétariat d’État, les compétences sont aujourd’hui scindées pour être confiées à trois membres du gouvernement… L’Avicca et InfraNum réclament donc un portage politique digne de ce nom, et un nouveau projet numérique pour la France. Car les règles du plan France THD de 2013 sont inadaptées à l’exploitation durable des réseaux, construits pour des décennies. Ne serait-ce qu’au regard de la transition climatique et écologique. Le 15 octobre, le député de Seine-et-Marne Jean-Louis Thiériot (ministre délégué auprès du ministre des Armées et des anciens combattants), a déposé une proposition de loi visant à assurer la qualité et la pérennité des réseaux de communications électroniques à très haut débit en fibre optique. Elle fait écho à un texte sur la qualité des raccordements, proposé par le sénateur Chaize le 12 avril 2023.
En mai dernier, l’Avicca a transmis à InfraNum une quarantaine de propositions d’actions, pour un travail collaboratif baptisé « France numérique 2030 ». L’idée est de bâtir ensemble, collectivités et industriels du numérique, une vision stratégique pour conduire la transition numérique des prochaines années, dans des « territoires durables et connectés ». La première des priorités reste d’arriver à 100 % de fibre optique, condition indispensable également pour la fermeture du réseau cuivre dont Orange est propriétaire. Un relevé géographique national des déploiements, publié par le régulateur des télécoms cet été, montre que le calendrier de couverture n’est pas en phase avec le plan cuivre d’Orange. Alors que l’opérateur prévoyait l’arrêt national de toute commercialisation d’abonnements téléphoniques ou ADSL sur le cuivre au 31 janvier 2026, l’Arcep lui a donc demandé de décaler ces fermetures dans les zones où la couverture fibre ne serait pas complète. Cela concernera quelque cinq cents communes. L’Arcep veillera à ce que les déploiements soient finalisés dans les temps : « nous n’hésitons pas à faire des mises en demeure et on continuera », a précisé à Strasbourg Marie-Christine Servant, membre du collège de l’Arcep.
Le sujet de la fermeture du cuivre « confirme aussi le manque de portage politique », selon Patrick Chaize, car les conséquences sont lourdes pour les Français qui se retrouveraient sans cuivre ni fibre. « La solution du satellite n’en est pas une. Il faut une solution filaire équivalente pour les concitoyens. L’aménagement du territoire doit être égalitaire et sérieux. Et la communication sur la fin du cuivre devrait être portée par le gouvernement », estime-t-il. Or, c’est Orange concessions qui a pris l’initiative de lancer une campagne de communication dès 2025. « Elle sera portée par la filière, a précisé le président d’InfraNum, Philippe Le Grand. Ce sera une communication nationale à destination du grand public sur le thème L’ADSL prend sa retraite, la fibre prend la relève ». Elle sera complétée par des communications locales pour accompagner les élus.
Martine Courgnaud – Del Ry