Fermeture du réseau cuivre, financement des réseaux d’initiative publique (RIP), derniers raccordements longs et difficiles… À la demande de la commission des finances du Sénat, la Cour des comptes s’est penchée sur la finalisation du réseau de fibre optique. Dans son rapport sur les soutiens publics en faveur du déploiement de la fibre optique, présenté le 2 avril 2025, elle émet neuf recommandations. Le but : achever la couverture du territoire en 2025, ainsi que le prévoit le plan France très haut débit, avec des réseaux de qualité capables de résister aux contraintes sur le long terme (vandalisme, intempéries liées à la multiplication des événements climatiques, pannes…). Ce que les spécialistes appellent la « résilience ». Une nécessité d’autant plus cruciale, que la fibre deviendra la principale infrastructure d’accès au très haut débit, lorsqu’Orange aura éteint le réseau cuivre en 2030.
La Cour des comptes propose notamment de sanctionner les opérateurs dont les déploiements ont ralenti depuis deux ans dans certains quartiers des grandes agglomérations, et de les soumettre à des « engagements contraignants » de terminer. Sur ces zones, les opérateurs n’ont aujourd’hui pas de contraintes, car ils s’étaient déclarés volontaires pour en assurer la couverture, présumée rentable. Ainsi, parmi les dix communes où il reste le plus de locaux à déployer en zones très denses, pour un total de 4,3 millions locaux à traiter, seule la ville de Strasbourg connaît une progression des raccordements, mais il est très faible (1 %), précise le rapport. Toutes les autres présentent une croissance nulle. Seules Paris, Lyon, Nice et Bordeaux ont un niveau de déploiement supérieur à 90 %. Et, dans certaines communes, les prévisions de déploiements déclarées à l’Arcep cessent en 2025.
Qualité des raccordements
Des sanctions devraient également être prévues pour les opérateurs d’infrastructures qui sous-traitent aux opérateurs commerciaux les raccordements finals des abonnés sans s’assurer de la qualité de ces raccordements, mais aussi à l’encontre de ces derniers s’il s’avère qu’ils n’ont pas respecté des critères de qualité, à définir. Élus et abonnés se plaignent depuis plusieurs années des mauvais raccordements (malfaçons, lignes débranchées intempestivement, armoires de rue éventrées…). Le fait qu’ils soient effectués par les sous-traitants dilue les responsabilités. Certes, la filière a adopté un plan pour contrôler ces dysfonctionnements, mais la Cour le considère inefficace. Elle propose donc que le régulateur des télécoms (l’Arcep) soit chargé de réaliser des audits, aux frais des opérateurs, et qu’il applique des sanctions après avoir élaboré les indicateurs de qualité à respecter. Actuellement, l’Arcep s’appuie sur deux indicateurs : le taux de pannes et le taux d’échecs de raccordements. Mais, pour les magistrats de la Cour des comptes, ces indicateurs sont incomplets car ils ne prennent pas en compte les dysfonctionnements que seuls les opérateurs commerciaux peuvent résoudre – en cas de sous-traitances multiples notamment – et ils n’intègrent pas l’expérience des usagers.
Équilibre économique des réseaux
La Haute juridiction financière s’est aussi penchée sur l’équilibre économique des réseaux d’initiative publique, parfois précaire. Public et privé confondus, la construction des réseaux de fibre optique revient à plus de 22 milliards d’euros pour les seuls RIP, dont 9,4 milliards d’euros proviennent des opérateurs privés. Les plans d’affaires des réseaux publics ont été fondés sur les « lignes directrices tarifaires » de l’Arcep de 2015 et ne sont « plus toujours en adéquation avec la réalité de leurs coûts. Dès lors, les collectivités doivent davantage intégrer, dans la conduite de leurs projets, l’enjeu de l’équilibre économique de leur réseau, accompagnées par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), et mettre à jour leur modèle économique », précise la Cour.
Quant à la pérennité et à la résilience des réseaux de fibre optique, la Cour des comptes préconise d’établir une stratégie globale, qui serait définie sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Stratégie à la fois juridique, technique et opérationnelle.
Marie Gasnier