Quel impact des politiques d’achat public durable sur les PME ?

Début 2024, la Direction des achats de l’État a commandé une étude sur l’impact de la politique d’achat public responsable sur les PME à Adrien Deschamps, doctorant en économie à Avignon Université. L’étude a été réalisée en mobilisant des données inédites fusionnant la base Sirene de l’Insee avec les données du Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) de 2015 à 2023. Elle réalise un état des lieux du recours aux considérations responsables et présente des analyses économétriques de leur impact sur les PME.

Une introduction variable selon le secteur d’achat

Un quart des lots publiés au BOAMP contiennent une considération environnementale, et 10 % d’entre eux intègrent une considération sociale. Cet écart s’est progressivement creusé sur la dernière décennie. Dans le même temps, les clauses se sont développées aux dépens des critères de sélection. La part de lots attribués à des PME semble stable (entre 40 % et 45 %). À noter que les marchés réservés ne représentent qu’un peu plus de 1 % des lots attribués de 2022 à 2023. Quel que soit le seuil de publicité du lot, les considérations environnementales sont plus fréquentes que les considérations sociales. Les clauses sociales semblent quasiment absentes des marchés sous les seuils de publicité obligatoire. Les marchés de travaux intègrent davantage de clauses et de considérations sociales que les marchés des services ou de fournitures. Ils apparaissent également comme étant les plus accessibles pour les PME. Il existe des disparités dans le recours aux considérations responsables et dans le taux de titularisation de PME selon les catégories d’acheteurs publics. Les achats de l’État tendent être en tête du classement en matière d’accès des PME et de mobilisation de considérations responsables. Les estimations menées révèlent que les considérations responsables influencent l’accès des PME à la commande publique de différentes manières. Les clauses environnementales semblent être favorables à l’attribution d’un marché à une PME, en particulier dans les marchés de fournitures. Les critères environnementaux, les critères sociaux et les clauses sociales ont des effets variables selon le secteur d’activité et le statut juridique de l’acheteur.

Les liens entre l’accès des PME à la commande publique et l’introduction de considérations sociales et environnementales : un axe d’évaluation prioritaire

Les cinq objectifs que partagent globalement les acheteurs publics sont la performance économique, l’accès des PME, l’insertion sociale, la protection de l’environnement et le développement de l’innovation. Dès lors que la commande publique se voit assigner de tels objectifs, elle ne peut plus être considérée comme un simple vecteur d’approvisionnement mais bien comme un levier de politique publique. L’ampleur des montants en jeu rend nécessaire un travail d’évaluation.

Il existe une alternative rendue possible par l’ouverture récente des données de la commande publique. Elle consiste à se demander si les différents objectifs de la commande publiques sont compatibles. Il ne s’agit plus de considérer les objectifs un à un et de chercher le degré d’atteinte de ces derniers, mais d’analyser les interactions entre les objectifs de la commande publique et de chercher des synergies ou des conflits entre eux. Cette approche pourrait d’ailleurs constituer un facteur d’explication du constat futur de la réussite ou de l’échec de l’atteinte de ces nouveaux objectifs. Elle démultiplie également les perspectives de recherche. En conclusion, il semble désormais possible de rejeter la thèse selon laquelle l’accès des PME aux marchés publics serait de toute évidence pénalisé par les considérations responsables. Il n’y a aucun signe d’incompatibilité systématique entre développement durable et accès des PME à la commande publique. Les clauses environnementales constituent au contraire très probablement un levier d’accès des PME aux achats publics.

Source : Développement durable et accès des PME aux marchés publics, Rapport à la Direction des achats de l’État, Adrien Deschamps, juillet 2024