Si le sujet de la décharge de fonctions et de la fin de détachement sur emploi fonctionnel n’est pas nouveau pour les directeurs généraux (DGS, DGA et DST) de collectivités, il apparaît particulièrement d’actualité dans la perspective des prochaines élections municipales de mars 2026. Même à un an du scrutin, certains élus décident de se séparer de leur DG, parfois simplement pour « renouveler leur équipe et donner du sang neuf à l’approche de la campagne électorale », entend-on dans certaines villes.
La question se posera avec acuité dans la foulée du prochain scrutin avec des maires nouveaux (ils devraient être nombreux avec a priori beaucoup de bascules politiques) ou réélus voulant changer de DGS voire plus largement d’équipe dirigeante.
Des DGS très demandeurs d’informations
Le 28 mars, la section Gard et Lozère du SNDGCT (Syndicat national des DG de collectivités territoriales) a organisé, à Nîmes avec WEKA, une Matinale consacrée à ce sujet montrant des DGS parfois inquiets et surtout très demandeurs d’informations et de précisions juridiques. Ayant le statut particulier de syndicat professionnel, le SNDGCT s’est structuré depuis la création de la décharge de fonctions en 1984 pour faire face à ces situations et accompagner ses adhérents.
Intervenant à la Matinale de Nîmes, Samuel Dyens, avocat associé au cabinet, Goutal, Alibert et Associés, a rappelé les spécificités de l’emploi fonctionnel et le cadre juridique bien particulier régissant la décharge de fonctions que l’autorité territoriale peut décider. Avis aux maires, et en particulier à ceux élus ou réélus en mars 2026 : ils ne peuvent pas faire n’importe quoi. Malgré la difficulté pour lui de traverser cette période, le DG ne doit pas oublier qu’il bénéficie d’un certain nombre de droits.
Articulation de deux délais
Encadrée par le Code général de la fonction publique (CGFP, articles L. 544-1 et suivants) mais aussi par la jurisprudence administrative, la procédure comprend tout d’abord un entretien préalable (par le maire impérativement) et l’information de l’assemblée délibérante comme du CNFPT ou du centre de gestion.
Ensuite s’articulent deux délais : la décharge n’intervient qu’après un délai de six mois suivant la désignation de l’autorité territoriale et la fin des fonctions prend effet le premier jour du troisième mois après l’information de l’assemblée délibérante. Samuel Dyens donne ainsi un exemple qui parle à tout le monde : « élection du maire le 27 mars 2026 avec démarrage du délai de six mois, information de l’assemblée délibérante le 27 juillet, expiration du délai de six mois le 28 septembre et possibilité pour le maire de prendre l’arrêté, fin de fonctions sur emploi fonctionnel le 1er octobre ».
Quels motifs pour la décharge ?
Le CGFP n’indiquant pas les motifs de fin de détachement, la jurisprudence apporte des précisions importantes, en particulier sur la perte de confiance de l’autorité territoriale. La décision de mettre fin aux fonctions du DG doit ainsi être motivée et cela de façon étayée. L’évoquer ne suffit pas, il faut des éléments attestant de la réalité des faits reprochés au DG. À défaut, le juge a déjà censuré plusieurs cas de perte de confiance justifiée par exemple par le seul fait du changement de l’équipe municipale même en cas de nouvelle orientation politique. « Mais il a aussi retenu plusieurs motifs comme la carence managériale », précise l’avocat. Et de donner quelques illustrations du contrôle du juge : l’erreur manifeste d’appréciation, la sanction déguisée non caractérisée, la dégradation du climat de travail vérifiée par des témoignages concordants, des considérations de fait (absentéisme, absence de coordination des services…). En clair, le juge contrôle surtout la matérialité des faits ou la réalité d’une situation conflictuelle.
Un protocole pour organiser la période de transition
Depuis la loi « TFP » du 6 août 2019, pendant le délai de six mois, l’autorité territoriale permet au DG de rechercher une nouvelle affectation. Un protocole d’accord peut être conclu entre eux pour organiser cette période de transition. « Il ne faut pas en avoir peur car son avantage est d’obliger les deux parties à se parler, souligne Samuel Dyens. Le protocole est important mais il ne faut pas y mettre n’importe quoi ». Et de conseiller d’y indiquer : les missions, la gestion du temps de travail, les moyens, la rémunération du DG, ses obligations en matière de formation et de recherche d’emploi ainsi que la manière dont le maire accompagne et favorise cette recherche de mobilité.
Ensuite, le DG peut être reclassé, pris en charge par le CNFPT ou le CDG, ou bénéficier d’une indemnité de licenciement ou d’un congé spécial. « Les indemnités de licenciement ont un effet radical avec la radiation des cadres et la perte de la qualité de fonctionnaire », insiste l’avocat.
Dans la salle, un DG témoigne du fait qu’une fois la décision prise par l’élu, qu’elle réussisse ou qu’elle échoue, il restera sur sa position et reviendra à la charge. Et de conseiller : « ça ne sert à rien de se battre contre des moulins et d’abimer sa santé. Mieux vaut que cela ne dure pas trop longtemps ». Une façon de rappeler que cette période particulière est bien souvent très mal vécue par les DG.
Philippe Pottiée-Sperry
À NE PAS MANQUER WEKA organise avec le SNDGCT une Web-Conférence d’actu le 25 avril 2025 (de 12h à 13h) sur le sujet de la décharge de fonctions. |