Quelles stratégies pour améliorer l’assurabilité des collectivités locales selon la chambre régionale des comptes ?

Publié le 24 décembre 2024 à 14h00 - par

Certains assureurs ont quitté le marché de l’assurance des collectivités dans un contexte d’offre assurantielle réduite et marqué par des équilibres techniques difficiles à trouver pour les acteurs présents. De ce fait, un nombre croissant de collectivités rencontre aujourd’hui de plus en plus de difficultés à s’assurer. Face à cette situation, la Chambre régionale des comptes de Bourgogne-Franche-Comté a publié, le 12 décembre 2024, un rapport d’observations définitives d’un audit flash sur l’assurabilité des collectivités territoriales pour tenter de trouver des solutions.

Quelles stratégies pour améliorer l'assurabilité des collectivités locales selon la chambre régionale des comptes ?
© Par Pixelbliss - stock.adobe.com

C’est donc dans ce contexte assurantiel dégradé, que la Chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté a réalisé pour les exercices 2022 et 2023 un audit flash en associant 17 collectivités et organismes locaux afin de mesurer l’impact de cette conjoncture sur les comptes des collectivités et sur la qualité des garanties obtenues, et d’identifier leurs pratiques et les moyens employés pour y faire face.

Une assurance des collectivités en crise et coûteuse

L’impact financier des sinistres potentiels pousse les collectivités locales à souscrire des contrats pour couvrir les risques de dégradation de leur patrimoine immobilier et mobilier, les risques de préjudice causés à des tiers qui engageraient leur responsabilité ou encore les risques de préjudice subis par leurs élus ou leurs agents. On constate une forte augmentation des tarifs aggravée par le durcissement des conditions contractuelles. Plusieurs facteurs jouent ces dernières années dans le sens d’un renchérissement du coût de l’assurance. Fragilisés par la crise sanitaire et confrontés à la multiplication des sinistres climatiques et à leur impact, les assureurs ont rééquilibré leurs comptes par une hausse de leurs tarifs. Les caractéristiques propres du marché de l’assurance des collectivités, très concentré et porté essentiellement par deux acteurs mutualistes, Groupama et la Société Mutuelle d’Assurance des Collectivités Locales (SMACL), constituent également un facteur à l’origine de la dégradation des conditions d’assurances du secteur public local. Dans l’échantillon régional étudié, la Chambre observe une dégradation des conditions d’assurance valable dans la quasi-totalité des collectivités auditées : les primes d’assurance ont été multipliées par près de deux en 2018 et 2024, la part des réparations restant à la charge de la collectivité (franchises) progresse fortement et les montants maximaux d’indemnisation sont réduits. Les observations de la Chambre établies sur la base de son échantillon rejoignent les constats formulés par le rapport de la commission des finances du Sénat, selon lequel les difficultés d’assurabilité sont concentrées sur l’assurance dommage aux biens et affectent l’ensemble des collectivités, qu’elles soient rurales ou urbaines, qu’elles aient été touchées ou non par des émeutes ou par des phénomènes climatiques violents. L’assurance statutaire pèse aussi fortement dans les dépenses d’assurance des collectivités territoriales depuis de nombreuses années. Elle constitue, jusqu’en 2023, le 1er poste de dépenses d’assurance pour une majorité de collectivités de l’échantillon ayant souscrit cette police.

Il existe des leviers pour favoriser l’assurabilité des collectivités territoriales

En réponse aux consultations lancées pour trouver un assureur, une seule offre a été, au mieux, formulée. Pire, certaines collectivités ont été privées d’assurance pour leurs biens en 2024 pendant plusieurs mois. Un retour à davantage d’offres et de concurrence est susceptible de provoquer une détente de ce marché et pourrait avoir un effet baissier, à terme, sur le prix de l’assurance des collectivités. La Chambre préconise également au regard des règles du Code de la commande publique une adaptation nécessaire du cadre juridique applicable aux contrats d’assurance. Il conviendrait, a minima, que soit clarifiée la faculté pour les collectivités de recourir aux dispositions de l’article R. 2124-3 du Code de la commande publique pour passer leurs marchés d’assurance selon la procédure avec négociation. Cependant, si la faculté de négocier permet en principe de rapprocher les positions de la collectivité et celles de son assureur potentiel (notamment dans le cas où le besoin de la collectivité n’est pas bien défini ou pas adapté à l’état du marché), sa mise en pratique ne se traduit pas mécaniquement par des offres plus favorables aux collectivités à la recherche d’une assurance. Comme le montrent les exemples de négociation relevés dans l’échantillon régional, la collectivité ne sort pas, a priori, gagnante d’une négociation, l’assureur imposant ses conditions, dans un contexte de forte asymétrie entre offre et demande.

Enfin, la gestion des assurances doit se professionnaliser dans les collectivités territoriales. L’affectation à la gestion des assurances de moyens dédiés et suffisamment dimensionnés, la mise en place d’une analyse des besoins d’assurances et des risques à confier contractuellement à un assureur et le déploiement de mesures systématiques de prévention des risques assurés sont les trois principaux leviers que les collectivités peuvent actionner. Ils constituent les bases d’une stratégie d’assurance qu’il leur faut adopter, en passant d’une logique de gestion des assurances basée sur un transfert mécanique des risques à une politique de management du risque.

Allouer des moyens à la hauteur des enjeux

La gestion des assurances requiert des moyens et une expertise, à la croisée du droit privé et du droit public, qui doivent être dimensionnés à la hauteur des enjeux et des difficultés. Le champ des compétences nécessaires à un service (ou une personne) chargé des assurances pour suivre la passation, l’exécution des contrats et la gestion des sinistres est très large. Sans compter les actions de prévention des risques, qui sont à l’interface entre assurance et la gestion mobilière et immobilière (assurances dommages aux biens, auto et responsabilité civile) ou la gestion des ressources humaines (assurance statutaire). L’implication de plusieurs services dans le suivi des assurances est inévitable, avec un service commande publique (ou un service juridique) qui intervient dans la préparation des contrats, un service finances impliqué dans leur exécution et des services opérationnels qui interviennent lorsque survient un sinistre. Le pilotage des assurances doit cependant être assuré par une personne dédiée, à défaut d’un service, identifiée comme telle par les assureurs et par les services de la collectivité.

Dominique Niay

Source : Audit flash sur l’assurabilité des collectivités territoriales, Chambre régionale des comptes Bourgogne-Franche-Comté, décembre 2024


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Marchés publics »

Voir toutes les ressources numériques Marchés publics