Les élus ont un rôle important à jouer pour améliorer la santé mentale sur leur territoire. « Les maires abordent souvent le sujet de la santé mentale sous l’angle des troubles à l’ordre public, et peuvent être confrontés à des situations complexes, notamment dans le cas des hospitalisations d’office ou dans un cadre privé. Mais ils peuvent impulser diverses politiques pour prendre soin de la santé mentale des habitants », a constaté le maire de Douai (Nord, 40 474 habitants), Frédéric Chéreau, le 20 novembre, en ouverture d’un forum du 106e congrès des maires. Car, alors que 20 % de la population souffre de troubles psychologiques ou psychiatriques à des degrés divers, les hôpitaux ne peuvent plus répondre à l’ensemble des besoins : fermeture de lits et d’hôpitaux de jour, principalement par manque de personnel, engorgement des services de psychiatrie, généralisation de la médecine ambulatoire avec des délais d’attente importants, sont un frein à la bonne prise en charge de situations souvent lourdes et complexes. Antoine Pelissolo, premier adjoint au maire de Créteil (Val-de-Marne, 93 414 habitants), psychiatre et chef de service à l’hôpital Henri-Mondor, a témoigné de la nécessité de créer des équipes mobiles pour désengorger les places d’hospitalisation en sur-occupation et de créer davantage d’unités pour malades difficiles (UMD), pour les malades les plus durs à gérer car très violents – parfois des meurtriers. Dans son service, certains patients attendent une place en foyer médico-social depuis cinq ans et des patients dangereux attendent d’être admis en UMD depuis juillet…
Antoine Pelissolo plaide notamment pour la création d’équipes mobiles dédiées hyper-réactives, différenciées des soins courants, qui puissent se rendre dans la rue ou au domicile pour gérer les situations difficiles. Il a rappelé l’utilité du conseil local de santé mentale (CLSM), dont « l’avantage est de dépister les situations en amont le plus tôt possible avant qu’elles ne s’aggravent ».
Le CSLM est un outil de concertation et de coordination autour de la santé mentale d’un territoire. Présidé par un élu local, il est co-animé par la psychiatrie publique et piloté par un coordinateur. Il constitue une passerelle entre les institutions du soin, du social et du médico-social, les associations du territoire et toutes les directions de la mairie : logement, petite enfance, handicap, environnement, démocratie, locale, éducation… L’ensemble des partenaires construisent un projet commun et mènent des actions coordonnées pour améliorer la santé mentale des habitants. Le CLSM est en lien avec les dispositifs départementaux et locaux de la politique de la ville et des politiques de santé publique, en particulier avec les projets territoriaux de santé mentale, généralement déployés à l’échelle du département. Il constitue le volet santé mentale des contrats locaux de santé (CLS) et des contrats de ville lorsqu’ils existent.
Le maire du Touquet-Paris-Plage (Pas-de-Calais, 4 513 habitants), Daniel Fasquelle, a rappelé que l’Association des Maires de France (AMF) a édité un guide qui aide les élus à appréhender la santé mentale sur leur territoire. Il a expliqué que les élus peuvent agir selon trois axes : sur les personnes en prenant soin de la population et en repérant ceux qui peuvent être en difficulté, sur le cadre de vie (logement, urbanisme, sécurité, propreté, mobilités douces…) pour favoriser le bien-être et mieux affronter les sources de stress, et enfin en travaillant ensemble dans le cadre des plans territoriaux et des contrats locaux de santé mentale.
Groupe de situations à risque urgent
Les territoires multiplient les expériences pour pallier les difficultés. Ainsi, Gilles Gascon, maire de Saint-Priest (Rhône, 49 100 habitants) a réuni un groupe de travail avec le procureur de la République, le directeur de l’agence régionale de santé et les responsables de services psychiatriques. Objectif : créer un « groupe de situations à risque urgent » afin de gérer les situations de santé mentale très complexes qui touchent sa commune depuis la sortie du Covid. Cela permet de détecter les situations dangereuses et de trouver la bonne solution avant qu’il y ait un drame, en disposant directement des bons intervenants et des bons numéros de téléphone pour intervenir au plus vite.
« Le Premier ministre a déclaré ce sujet grande cause nationale pour 2025 », a précisé la ministre de la Santé, Geneviève Darrieussecq, elle-même médecin et ancienne élue. Elle considère qu’il faut inclure la santé mentale dans les politiques d’aménagement du territoire, car c’est un « enjeu collectif à l’échelle du bassin de vie ». Les élus jouent un rôle majeur pour le bien-être de la population, avec des démarches préventives qui relayent des messages de prévention (bien-être physique et alimentation…), et en favorisant les interactions sociales : pour les plus jeunes (crèches, écoles, adolescents qui s’isolent devant les écrans) et les personnes âgées (lutte contre la solitude dans les Ehpad ou à domicile), dans les clubs de sport, en multipliant les actions culturelles…
Inquiets de l’état alarmant de la santé publique, le maire de Bailleul (Nord, 15 098 habitants) et onze présidents de conseil de surveillance d’établissements publics de santé mentale ont écrit récemment à la ministre de la Santé qui les a invités à lui envoyer des propositions concrètes, ce qu’ils feront « avant les vacances de Noël ».
Marie Gasnier