Financement de la transition écologique : les intercos au pied du mur

Publié le 27 novembre 2024 à 9h00 - par

Des besoins d’investissement sur la transition écologique qui explosent mais un recul du soutien de l’État. Face à ce casse-tête, un forum du congrès des maires a insisté sur l’importance pour les communes et les EPCI de « faire bloc » notamment grâce aux fonds de concours. Au-delà, les élus demandent à l’État de donner plus de liberté aux collectivités et de jouer pleinement son rôle de conseil, des aides financières stables et  pérennes, une révision des règles comptables, la prise en compte de dépenses « vertueuses », une ingénierie renforcée…

Financement de la transition écologique : les intercos au pied du mur
© Par CURIOS - stock.adobe.com

« Je vis le premier mandat à l’issue duquel mes concitoyens me demanderont des comptes sur ce que j’ai fait ou pas en faveur de la transition écologique ». Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette (91) et coprésident de  la commission Transition écologique de l’AMF, ne cache pas la pression sur cette « grande cause nationale », lors du forum sur les finances intercommunales et la transition écologique, qui s’est tenu le 20 novembre lors du congrès des maires. L’urgence climatique concerne aussi son financement, d’autant plus dans le  contexte de coupes budgétaires pour les collectivités dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025. Pas vraiment le bon scénario au moment où la dernière étude d’I4CE (Institut de l’économie pour le climat) chiffre les besoins d’investissement des collectivités pour le climat à 19 Md€ par an entre 2024 et 2030, soit 11 Md€ annuels supplémentaires, et cela aux deux tiers à  la charge du bloc communal.
« C’est un mur d’investissements alors que nous avons déjà augmenté de plus de 40 % nos efforts depuis 2017 selon I4CE », s’alarme le maire de Bures-sur-Yvette. Regrettant que la France ne remplisse pas les objectifs de l’accord de Paris de 2015, Nicolas Mayer-Rossignol, maire et président de la métropole de Rouen, dénonce « la contradiction de l’État de nous demander d’investir massivement sur la transition écologique mais en même temps de ne pas faire de déficit et de ne pas dépasser un certain taux d’endettement ».

Solidarité intercommunale

« Dans le contexte actuel, plus que jamais, communes et intercommunalités doivent faire bloc, estime Stéphanie Guiraud-Chaumeil, maire d’Albi (81), présidente de la communauté d’agglomération de l’Albigeois et coprésidente de la commission Intercommunalité de l’AMF. Pour cela, nous avons besoin de plus de solidarité et de faire des choix ensemble en acceptant qu’il n’y aura plus forcément des équipements dans chaque commune ».
Au sein du bloc communal, l’outil des pactes financiers et fiscaux reste majeur pour assurer cette solidarité. Marie Ducamin, maire de Saint-Jacques-de-la-Lande (35) et vice-présidente chargée des finances de Rennes Métropole, insiste sur le rôle clé de l’intercommunalité dans l’aide au financement et à l’ingénierie des projets de transition écologique portés par les communes. Son fonds de concours, dénommé Fonds métropolitain de transition écologique et de soutien à l’investissement communal, s’élève à pas moins de 22,5 M€ sur trois ans (2024-2026). « Facilement accessible, il propose un bonus sur les projets écologiques, souligne-t-elle. 171 projets communaux ont été soutenus entre 2019 et 2023 ». À cela s’ajoute une DSC (dotation de solidarité communautaire) généreuse (70 € par habitant) qui atteint 36 M€ par an.

Un effet accélérateur

« Ces deux dispositifs pèsent sur nos finances mais nous espérons que le contexte financier ne nous obligera pas à devoir les baisser », affirme Marie Ducamin en reconnaissant que la période peut aussi obliger les départements et les régions à se désengager de certains dispositifs. La métropole de Rouen (71 communes dont 45 ont moins de 4 500 habitants) met aussi le paquet avec son Fonds d’aide aux communes pour l’investissement local  (FACIL), qui couvre la période 2021-2025 avec une enveloppe totale de 48 M€. « Le taux de subventionnement passe de 25 à 50 % pour les projets communaux verts, souligne Nicolas Mayer-Rossignol. La démarche n’est pas très originale mais illustre l’intérêt de l’effet accélérateur de la coopération intercommunale. Face à l’urgence écologique, on ne peut plus se permettre les guéguerres communes/interco ».

Favoriser la dette « verte »

Guy Benarroche, sénateur (GEST) des Bouches-du-Rhône, tient à rappeler que « beaucoup de communes et d’intercommunalités ont déjà engagé depuis des années des politiques de transition écologique ». Plaidant pour passer à « une logique de massification », il met en avant le rapport sénatorial « Engager et réussir la transition environnementale de sa collectivité » (novembre 2023), dont il est l’un des coauteurs, qui se veut « une boite à outils pour toutes les collectivités quelles que soient leurs tailles ». Ayant auditionné plus de 50 élus locaux et reçu une cinquantaine de contributions de collectivités, les sénateurs formulent 24 recommandations. Y figure l’assouplissement des règles budgétaires et comptables des investissements verts afin d’alléger la section de fonctionnement des collectivités et donc d’améliorer leurs ratios financiers. Il s’agirait de tenir compte des fameux « coûts évités », ce qui n’est pas possible aujourd’hui.
Le rapport propose aussi de faciliter les investissements à long terme des collectivités. Guy Benarroche défend le principe d’une dette « verte » compte tenu de la capacité de désendettement du bloc communal. Un avis partagé par Jean-François Vigier pour qui « la dette verte permettrait de s’endetter sur une période plus longue et cela devrait se faire avec des taux plus bas ».

Demande d’un État facilitateur

Parallèlement à la forte baisse de ses aides financières, l’État est aussi critiqué pour constituer souvent un frein. Le rapport sénatorial reprend les demandes des collectivités pour que les services de l’État leur fassent confiance et arrêtent les trop nombreux appels à projets. Le maire de Rouen estime que « le rôle de l’État doit être de donner une vision et de soutenir les collectivités avec plus de moyens et de décentralisation qui permet des réponses de proximité ». « L’AMF demande que la feuille de route de la transition écologique ne soit pas verticale et s’adapte à la diversité des territoires », rappelle Jean-François Vigier. Pour sa part, Stéphanie Guiraud-Chaumeil plaide pour plus de différenciation qui passerait par « un contrat de confiance avec les préfets pour trouver des solutions locales qui correspondent aux besoins de nos communes et intercommunalités ».
Autre solution peu utilisée : l’inter-territorialité. « L’urgence climatique doit nous faire sortir des guerres de chapelles », prône Nicolas Mayer-Rossignol. Et de citer l’exemple de la création, fin 2023, de la Sem Axe-Seine énergies renouvelables qui réunit les métropoles de Rouen et du Grand Paris, la ville de Paris et la communauté urbaine Le Havre Seine Métropole. « C’est bon pour toutes les collectivités actionnaires de la Sem avec les réalisations que nous pouvons faire ensemble mais aussi grâce à l’impact sur le rayonnement et l’attractivité économique du territoire qui montre qu’il sait s’adapter et s’engager », conclut-il.

Philippe Pottiée-Sperry


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Finances et comptabilité »

Voir toutes les ressources numériques Finances et comptabilité