Pas d’obligation de respecter une obligation de traitement
Les opérateurs économiques des pays tiers n’ayant pas conclu d’accord international avec l’Union garantissant l’accès égal et réciproque aux marchés publics ne bénéficient pas d’un droit au traitement non moins favorable en vertu de l’article 43 de la directive 2014/25. Il est ainsi loisible à l’acheteur public d’exposer, dans les documents de marché, des modalités de traitement qui visent à refléter la différence objective entre la situation juridique de ces opérateurs, d’une part, et celle des opérateurs économiques de l’Union et des pays tiers ayant conclu avec l’Union un tel accord. En l’absence d’actes adoptés par l’Union, il appartient à l’acheteur d’évaluer s’il convient d’admettre à une procédure de passation d’un marché public les opérateurs économiques d’un pays tiers n’ayant pas conclu d’accord international avec l’Union garantissant l’accès égal et réciproque aux marchés publics et, au cas où elle décide une telle admission, s’il convient de prévoir un ajustement du résultat issu de la comparaison entre les offres faites par ces opérateurs et celles soumises par d’autres opérateurs. Si le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que les opérateurs économiques de pays tiers non couverts par un accord soient, en l’absence de mesures d’exclusion adoptées par l’Union, admis à participer à une procédure de passation d’un marché public régie par la directive 2014/25/UE, il s’oppose en revanche à ce que ces opérateurs puissent, dans le cadre d’une telle participation, s’en prévaloir et ainsi exiger un traitement égal de leur offre par rapport à celles présentées par les soumissionnaires des États membres et ceux des pays tiers couverts par un accord. Il s’ensuit que « l’accès des opérateurs économiques desdits pays tiers aux procédures de passation de marchés publics dans l’Union n’est pas garanti et que ces opérateurs peuvent en être exclus ».
Une marge de manœuvre reconnue aux acheteurs
À la différence des conclusions de l’avocat général qui laissaient entendre que les opérateurs économiques non couverts pouvaient être automatiquement exclus de la participation aux procédures de passation des marchés publics au sein de l’Union, ce qui aurait ainsi privé d’effet le règlement « IMPI » (l’instrument prévoyant que la Commission ne ferme l’accès à la commande publique aux opérateurs venus de pays tiers que pour répondre aux barrières mises en place par ceux-ci – supposant ainsi qu’il n’y ait pas de restriction générale préalable), la Cour a donc reconnu une marge de manœuvre aux acheteurs face à des offres remises par des opérateurs originaires d’États tiers n’ayant pas conclu d’accord international avec l’Union. Dès lors que l’opérateur ponctuellement admis à se porter candidat et à déposer une offre ne bénéficie pas pour autant des garanties des directives « marchés publics , la Cour retient que tout recours de cet opérateur contre la procédure d’attribution ne pourra être examiné par le juge national qu’à la lumière du seul droit national – au regard des exigences de transparence et de proportionnalité – et non du droit de l’Union européenne.
Dominique Niay
Texte de référence : CJUE, 22 octobre 2024, Kolin Inşaat Turizm Sanayi ve Ticaret AȘ, Aff. n° C-652/22