La loi de finances actuellement en débat suscite une inquiétude légitime chez les maires. Est-elle encore plus forte chez les maires de banlieue ?
Nous avons déjà encaissé le choc de la diminution de 1,5 milliard d’euros du Fonds vert, sur lequel nous nous appuyons pour mener à bien des programmes d’aménagement des espaces publics dans les quartiers prioritaires. Au sein de l’association Ville et Banlieue mais aussi dans le club des maires de l’Anru, nous sommes inquiets à l’idée de savoir ce que sera l’acte III de l’Anru. Parce qu’il faut un acte III, la question ne se pose pas. Nous savons que l’action de l’Anru a modifié le visage des quartiers. Nous devons maintenir passer à une phase de pérennisation, afin de passer à la phase de normalisation des QPV, vers le droit commun. Ce qui n’empêche pas que ce travail de fond, qui concerne tout de même près de 5 millions de personnes dans notre pays, fasse l’objet de certaines révisions et autres critiques.
Justement, quels sont les secteurs dans lesquels des ajustements sont nécessaires ?
À l’évidence, nous devons faire mieux en matière de mixité sociale. Le rééquilibrage de l’offre, les politiques de peuplement, le fait d’installer des familles des classes moyennes dans les QPV et des familles plus modestes dans des quartiers moins exposés aux vulnérabilités sociales sont des défis difficiles à relever. L’Anru est là pour rendre ces quartiers plus attractifs. Il faut rappeler que ces derniers jouent un rôle essentiel dans les parcours résidentiels de chacun d’entre nous ; beaucoup d’entre nous ont débuté leur parcours résidentiel dans les quartiers prioritaires ; et certains reviennent même y vivre plus tard, justement parce que le cadre de vie a été amélioré. Les QPV ne doivent pas entrer dans le champ des variables d’ajustement budgétaires. Il est important pour notre pays de maintenir la cohésion sociale de ces quartiers.
Pourquoi la mixité sociale est-elle si difficile à mettre en œuvre ?
Pour la simple et bonne raison que ces quartiers sont des sas. Dès que les familles améliorent leurs conditions de vie personnelles, elles quittent les quartiers ; on peut le regretter mais c’est ainsi, elles aspirent à juste titre à d’autres conditions de vie. C’est d’ailleurs une difficulté conceptuelle puisque l’organisation de la participation citoyenne, indispensable à mes yeux, se heurte souvent au fait que le turnover dans les quartiers prioritaires est assez élevé. Il faut donc réexpliquer très souvent ce que l’on fait et comment on le fait. Car le renouvellement urbain, comme tous les projets d’ailleurs que nous portons, ne s’organise plus de façon verticale. Nous avons dit pendant des années aux habitants que leur cadre de vie allait s’améliorer ; ça y est, c’est le cas, dans certaines cités, la transformation est même assez radicale. Nous devons capitaliser sur cet acquis, notamment en travaillant sur la sécurité, point faible des QPV, mais qui relève du pouvoir régalien tant les trafics liés aux stupéfiants se développent de plus en plus. Le renouvellement urbain offre aussi cette opportunité de prendre en compte les nouvelles formes d’habitabilité. Depuis le Covid, on ne construit plus comme avant : la présence des balcons est un prérequis de toutes les nouvelles opérations. L’attractivité se joue aussi sur ces détails-là. D’une certaine manière, les quartiers en NPNRU sont des laboratoires de la fabrique urbaine.
Qu’en est-il de la sobriété foncière ? La production de logements sociaux, indispensable à la diversification de l’offre à l’échelle des communes mais aussi des intercos et des métropoles, ne risque-t-elle pas de s’en ressentir ?
Nous reconstruisons souvent sur place mais vous avez raison d’insister sur le fait qu’il faut encore du foncier pour construire des logements sociaux. Et puis, un programme de renouvellement urbain, si bien amené a-t-il été, réclame toujours de nouvelles interventions, souvent menées par les bailleurs, bien entendu, mais qui doivent être soutenues par l’Anru. Dans dix ans, nous aurons à revenir sans doute sur les premiers quartiers rénovés, comme on le ferait dans une quelconque copropriété pour conserver la qualité du bâti. Les logements sociaux vieillissent aussi.
Le bilan est donc pour vous globalement positif…
Évidemment. Je suis un éternel positif. Nous avons redonné une vraie dignité aux habitants, ils nous le disent. Mais l’intervention sur le bâti s’est aussi doublée de travaux en extérieurs, d’aménagements d’espaces publics, d’aires de sport en plein air, de mobilités douces. Nous verdissons beaucoup ces quartiers, pour lutter contre le dérèglement climatique. Sans oublier l’école, avec de nombreuses mesures destinées à faciliter l’école hors les murs, les cités éducatives, etc. Autant de réussites à mettre sur le compte de l’impulsion donnée par l’Anru.
Stéphane Menu
Anru III, la décision entre les mains de Valérie Létard Anne-Claire Mialot, bien qu’attendue sur le sujet de l’avenir du renouvellement urbain et donc de l’agence qu’elle dirige, reste discrète pour l’heure sur le contenu de la mission qu’elle a menée une bonne partie de l’année aux côtés de Jean-Martin Delorme, président de la section Habitat de l’IGEDD (Inspection générale de l’environnement et du développement durable) et de Cédric Van Styvendael, maire de Villeurbanne. Diligentés par le précédent gouvernement, la mission et son contenu sont désormais sur le bureau de Valérie Létard, nouvelle ministre du Logement… et du Renouvellement urbain. Il appartient donc à cette dernière d’en assurer le rendu public, lorsqu’elle le jugera opportun. « La priorité est de terminer le NPNRU, il reste encore 500 M€ de crédits à consommer, et tous les projets doivent être lancés avant la fin de l’année 2026 », à savoir la date butoir pour les communes engagées dans le renouvellement urbain pour bénéficier des financements qu’elles ont obtenus. Après cette date, il sera trop tard, ont rappelé les acteurs de l’Anru. |