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Quelle constitutionnalité pour la protection fonctionnelle des agents publics mis en cause pénalement ?

Publié le 17 juillet 2024 à 11h00, mis à jour le 17 juillet 2024 à 11h00 - par

Dans la décision n° 2024-1098 QPC du 4 juillet 2024, le Conseil constitutionnel déclare contraire à la Constitution le régime de protection fonctionnelle des agents publics mis en cause pénalement en ce qu’il méconnait le principe d’égalité devant la loi.

Quelle constitutionnalité pour la protection fonctionnelle des agents publics mis en cause pénalement ?
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Une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les deux derniers alinéas de l’article L. 134-4 du Code général de la fonction publique1 a été soulevée devant le Conseil constitutionnel.

Le requérant argue que l’exclusion des agents publics, entendus sous le régime de l’audition libre, du bénéfice de la protection fonctionnelle crée une différence de traitement injustifiée par rapport à ceux qui sont entendus en qualité de témoin assisté, placé en garde à vue ou se voyant proposer une mesure de composition pénale, qui bénéficient de cette protection fonctionnelle. Ainsi, selon le requérant, ces dispositions méconnaîtraient, selon lui, le principe d’égalité devant la loi.

Plusieurs problèmes de droit se posaient. Les deux derniers alinéas de l’article L. 134-4 du Code général de la fonction publique créent-ils une inégalité de traitement entre les agents publics entendus sous le régime de l’audition libre et ceux bénéficiant de la protection fonctionnelle lorsqu’ils sont entendus comme témoin assisté, placés en garde à vue ou confrontés à une mesure de composition pénale, violant ainsi le principe d’égalité devant la loi ? Lesdites dispositions, en excluant les agents publics entendus sous le régime de l’audition libre du bénéfice de la protection fonctionnelle, violent-t-elles le principe d’égalité devant la loi garantie par la Constitution ?

1. Un traitement différencié non justifié

Premièrement, le Conseil constitutionnel a constaté qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires que le législateur avait l’intention d’accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle aux agents publics mis en cause pénalement, même en l’absence de poursuites pénales, dès lors qu’ils ont le droit à l’assistance d’un avocat2.

Secondement, le Conseil constitutionnel estime qu’en ne prévoyant pas cette protection lors d’une audition libre, alors même que cela permet d’être assisté par un avocat, les dispositions concernées violent le principe d’égalité devant la loi. Par conséquent, le Conseil constitutionnel a déclaré ces dispositions contraires à la Constitution étant donné qu’elles méconnaissent le principe d’égalité devant la loi3.

2. Une abrogation repoussée au 1er juillet 2025

Premièrement, sur l’effet dans le temps de cette inconstitutionnalité, le Conseil constitutionnel a reporté au 1er juillet 2025 la date d’abrogation de ces deux dispositions de l’article L. 134-4 du Code général de la fonction publique. Sans en développer la raison, le Conseil Constitutionnel estime que leur abrogation immédiate entraînerait des conséquences manifestement excessives4.

Secondement, le Conseil constitutionnel estime que les administrations sont tenues, jusqu’à l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation de ces dispositions, d’accorder une protection à l’agent public, entendu sous le régime de l’audition libre à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions5.

Cette décision aura pour conséquence que la déclaration d’inconstitutionnalité pourra être invoquée dans les affaires non jugées définitivement au 5 juillet 2024.

Dominique Volut, Avocat-Médiateur au barreau de Paris, Docteur en droit public


1. L’article L. 134-4 du Code général de la fonction publique, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 24 novembre 2021, prévoyait que : « lorsque l’agent public fait l’objet de poursuites pénales à raison de faits qui n’ont pas le caractère d’une faute personnelle détachable de l’exercice de ses fonctions, la collectivité publique doit lui accorder sa protection. L’agent public entendu en qualité de témoin assisté pour de tels faits bénéficie de cette protection. La collectivité publique est également tenue de protéger l’agent public qui, à raison de tels faits, est placé en garde à vue ou se voit proposer une mesure de composition pénale ».

2. Décision n° 2024-1098 QPC du 4 juillet 2024, Consid. 7 et 8.

3. Ibidem, Consid. 9.

4. Ibidem, Consid. 11.

5. Ibidem, Consid, 12.

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