« Alors que 69 % de femmes composent la catégorie A, et qu’elles sont 52 % dans la catégorie A+, elles sont seulement 24 % à occuper des fonctions de DGS dans des collectivités de plus de 40 000 habitants ». C’est sur ce rappel que Dayana Chamoun-Fievée, présidente de Dirigeantes & Territoires, a ouvert le troisième colloque de l’association. « Certes, des progrès ont été réalisés ; mais si nous suivons la tendance actuelle, et sous réserve de maintenir le rythme, il nous faudrait 66 ans pour voir autant de femmes que d’hommes occuper les fonctions de DGS dans nos territoires », a-t-elle continué. C’est bien la raison d’être de l’association qu’elle a fondée en 2021 : fédérer les femmes cadres, les accompagner dans leur carrière et leur accession aux postes à responsabilités, afin d’atteindre une vraie parité dans la fonction publique territoriale.
Témoignages, débats et réseau pro
Réunies à l’Hôtel de ville de Lyon pendant deux jours, 160 personnes – en majorité des femmes – ont ainsi pu échanger, débattre, se nourrir de l’expérience d’intervenants issus de la territoriale, mais pas que : l’entrepreneuse et fondatrice des réseaux féminins Bouge ta boite et Femmes de Bretagne Marie Eloy, ou encore l’ancienne présidente du Haut conseil à l’égalité Brigitte Grésy ont aussi témoigné. Sur le thème « Parité, entre pouvoir et influence », le colloque a balayé une multitude d’aspects : qu’est-ce que le pouvoir, comment y accéder, comment l’exercer, les freins individuels et structurels à la parité, comment briser le plafond de verre, de quel pouvoir d’influence chacun dispose pour faire avancer la parité… Et certains débats ont émergé spontanément dans la salle : le congé menstruel, fausse bonne idée ? Existe-t-il des qualités féminines et masculines ? Quelle vision de la « sororité » ? En marge des moments collectifs, l’idée était aussi de permettre aux femmes de tisser des réseaux professionnels – une notion qui reste, parfois, « un gros mot pour les femmes. D’ailleurs, la moitié d’entre elles sont venues sur leur temps personnel… C’est un point à améliorer », estime Dayana Chamoun-Fiévée.
Un observatoire pour objectiver et sensibiliser
Le colloque a aussi été l’occasion d’inaugurer un outil inédit : l’Observatoire de la parité. Construit par une équipe de six bénévoles depuis deux ans, il a bénéficié cette année d’un mécénat de compétences de Relyens qui a permis une large collecte de données ainsi que la création de data-visualisations et d’analyses, désormais rassemblées en ligne. « Les chiffres permettent de faire des constats, des préconisations, de montrer les effets des lois. L’intérêt de l’observatoire est d’objectiver et d’asseoir nos positions », détaille Stéphanie Portier, directrice générale déléguée à la Qualité des services à la population à la Ville de Montpellier et co-animatrice du groupe de travail chargé de l’observatoire. « Nous disposons désormais d’un outil extraordinaire », confirme Dayana Chamoun-Fievée. « Quand on parle de parité, on nous répond parfois que les choses ont changé et qu’elle est atteinte… Or, ces chiffres décrivent une réalité et non un ressenti : ils montrent que ce n’est pas le cas. Il faut que l’on s’en empare, qu’on les diffuse, qu’on sensibilise sur cette base ».
Se faire entendre
Ces deux jours ont aussi été l’occasion de souligner le poids nouveau de l’association auprès de l’État : son vice-président Hugues Perinel a été reçu par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Stanislas Guerini pour un entretien filmé diffusé lors du colloque ; elle a également été sollicitée, au même titre que d’autres syndicats et associations, sur le projet de réforme de la fonction publique. « L’objectif premier, pour moi, est là : faire du lobbying au niveau institutionnel, gouvernemental, pour faire changer les lois. Aujourd’hui, il existe une contrainte sur les nominations aux postes de direction. Elle a un impact sur les DGA, mais il n’y a pas de contrainte sur les fonctions de DGS. Pour accélérer, il faut cette contrainte législative », martèle Dayana Chamoun-Fievée.
Énergie collective
Au-delà du travail de fond, du lobbying et de l’accompagnement individuel, l’association compte aussi s’appuyer sur son réseau pour se faire entendre : elle fédère désormais 300 adhérents et 7 000 abonnés sur sa page LinkedIn, et « notre but est d’être de plus en plus nombreux », a expliqué Marie-Claude Sivagnanam, DGS de l’agglomération de Cergy-Pontoise et vice-présidente de l’association en charge des relations institutionnelles et des partenariats, lors d’une des tables rondes. Et pour créer une énergie collective, ces rencontres mêlant travail de fond et convivialité sont précieuses : « Je tire de ce colloque de la joie, du dynamisme, de l’envie, de l’énergie. Et nous en avons besoin, car le chemin vers la parité est encore long », conclut Dayana Chamoun-Fievée.
Julie Desbiolles