Le « millefeuille administratif », un gisement d’économies évalué à 7,5 milliards d’euros

Publié le 29 mai 2024 à 13h00, mis à jour le 29 mai 2024 à 19h00 - par

C’est un gisement d’économies qui n’avait pas encore été chiffré : le coût du « millefeuille administratif » lié aux compétences partagées par l’État et les collectivités « peut être estimé à 7,5 milliards d’euros », selon un rapport remis mercredi 29 mai 2024 au gouvernement.

Le "millefeuille administratif", un gisement d'économies évalué à 7,5 milliards d'euros
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Entre les différents niveaux d’administration, « les Français voient bien qu’il y a une forme de confusion des responsabilités aujourd’hui », a affirmé à l’AFP le ministre délégué aux Comptes publics Thomas Cazenave. Or « la complexité de l’action publique locale est pour moi un sujet démocratique, c’est un problème d’efficacité et c’est aussi un problème de coût pour les finances publiques », a-t-il estimé.

Alors que l’exécutif a déjà acté 10 milliards d’euros de coupes dans les dépenses de l’État en 2024 et cherche 10 milliards d’économies supplémentaires, les coûts de l’enchevêtrement des compétences « ne peuvent pas être tous supprimés mais ils peuvent être diminués », note le gouvernement dans un communiqué.

Le chiffre de 7,5 milliards d’euros communiqué par Thomas Cazenave (Comptes publics) et Dominique Faure (Collectivités territoriales) est issu d’un rapport commandé fin 2023 au maire de Charleville-Mézières Boris Ravignon et remis mercredi 29 mai au gouvernement.

Il existe en France « trop d’empilement : vous avez des services de l’État, des opérateurs, des agences, quatre niveaux de collectivités, parfois des syndicats, des sociétés d’économie mixte… Ce qui ne va pas, c’est que sur une politique publique, on soit quatre ou cinq autour de la table », avait déploré Thomas Cazenave au lancement de la mission.

Le rapport de Boris Ravignon précise que le coût du « millefeuille administratif » pèse principalement sur les collectivités (6 milliards d’euros), l’État supportant une charge financière quatre fois moindre (1,5 milliards d’euros).

Dans le détail, le coût de l’enchevêtrement des compétences est estimé à 4,8 milliards d’euros pour les communes, 696 millions d’euros pour les intercommunalités, 355 millions d’euros pour les départements et 117 millions pour les régions.

« Cette évaluation reste un ordre de grandeur, et sans doute un minimum, étant entendu que les opérateurs » de l’État (France Travail, Agence nationale de l’habitat…) n’ont pas été inclus dans le calcul, souligne l’auteur du rapport.

Simplifier plutôt que supprimer

Pour parvenir à ce chiffre, la mission a sondé plus de 200 collectivités et préfectures par questionnaire et identifié trois types de coûts induits par le partage entre administrations de certaines compétences (multiplication des comités, coordination et instruction des demandes de financement).

Les coûts liés à la coordination entre différentes administrations qui exercent conjointement une politique publique représentent à eux seuls 85 % des 7,5 milliards d’euros.

Parmi les compétences dont le partage coûte le plus cher, la mission cite l’enseignement (1,2 milliard d’euros), l’urbanisme (819,5 millions) et la voirie (566 millions).

Pour autant, « la France n’a pas une catégorie de collectivités à supprimer, une strate d’élus à liquider pour que tout s’arrange », martèle Boris Ravignon en conclusion de son rapport.

« Le souhait le plus vif de la mission, c’est que la réflexion se poursuive, pour examiner toutes les responsabilités que notre État, enfin recentré et stratège, pourrait déléguer en confiance aux collectivités françaises », poursuit-il.

Le maire de Charleville-Mézières plaide également pour un « chantier de simplification des normes », autre cheval de bataille du gouvernement ces derniers mois en plus de la maîtrise des dépenses publiques.

Parmi les pistes à creuser, M. Ravignon suggère de simplifier la gestion des ressources humaines dans les collectivités ou de revoir les règles et l’organisation de la commande publique pour la rendre « plus efficace et plus efficiente ».

Selon Thomas Cazenave, cité dans le communiqué du gouvernement, le rapport remis mercredi 29 mai est une « contribution à la réflexion plus globale souhaitée par le président de la République » autour de la décentralisation, un thème sur lequel une autre mission a été confiée au député de la majorité Éric Woerth.

« Pour la première fois, au-delà des grands discours sur le millefeuille administratif, on a une évaluation concrète, précise, qui va nous permettre d’avancer », se félicite le ministre auprès de l’AFP.

Sa collègue Dominique Faure ajoute que les travaux de Boris Ravignon vont désormais « donner lieu à une inévitable et nécessaire concertation avec les élus locaux. »

Alors que le projet de loi de finances pour 2025 sera présenté à l’automne, « l’entièreté du rapport ne va pas donner lieu à de la simplification et à des économies tout de suite, ça va être graduel », indique-t-elle à l’AFP.

Dans un communiqué, Départements de France se félicite que ce rapport « rétablisse la vérité » sur « la dépense des collectivités territoriales et leur responsabilité dans les désordres financiers », qui sont jugées « limitées ».

« Ce rapport vient utilement compléter les nombreux travaux de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, de l’Assemblée nationale, de la Cour des comptes et de nos associations, sur les coûts de l’absence de réforme de l’État pour tirer toutes les conséquences de la décentralisation », a réagi auprès de l’AFP la présidente de Régions de France, Carole Delga.

« Il apparaît que les coûts induits par l’enchevêtrement des responsabilités résultent en grande partie du non-retrait de l’État de domaines censés être décentralisés », a abondé l’association Intercommunalités de France.

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