Analyse des spécialistes / Urbanisme

L’impact de la loi Macron sur la mobilité interurbaine et les collectivités territoriales

Publié le 29 octobre 2015 à 16h52, mis à jour le 29 octobre 2015 à 16h52 - par

Dans le but de « libérer l’activité », la loi Macron du 6 août 2015 autorise l’ouverture de lignes d’autocar sur les liaisons interurbaines.

Renaud-Jean CHAUSSADE, Avocat en droit des collectivités territoriales, Counsel du cabinet Delsol AvocatsRenaud-Jean CHAUSSADE

Cette libéralisation va nécessairement avoir des conséquences sur les collectivités territoriales compétentes en matière de mobilité et plus particulièrement, la région.

L’élargissement de l’offre de transports routiers

Le principal apport de la loi Macron en matière de transport concerne la libéralisation des services interurbains de transport de passagers en permettant l’ouverture de lignes régulières en dehors des services conventionnés gérés par les collectivités territoriales.

Cette liberté d’ouverture est soit totale, soit conditionnée, en fonction des caractéristiques de la ligne.

Si la ligne correspond à un service interurbain de moins de 100 kms, l’opérateur a l’obligation de faire une déclaration auprès de l’autorité de régulation, l’ARAFER, à laquelle les autorités organisatrices de transport peuvent faire opposition si elles établissent une atteinte substantielle à l’équilibre économique de leurs services.

En revanche, au-delà de 100 kms, le principe est celui de la libre installation et de la libre définition, sans formalité préalable, ni droit d’opposition.

Cette libéralisation peut dès lors avoir des incidences organisationnelles, voire, concurrentielles sur la mobilité interurbaine telle qu’elle est gérée par les collectivités territoriales.

Le niveau de collectivité territoriale principalement concerné

Cette réforme devrait à terme principalement concerner la région. En effet, la loi Macron a été promulguée quasiment en même temps que la loi NOTRe du 7 août 2015 qui redéfinit les compétences en matière de transport.

À compter du 1er janvier 2017, les régions seront compétentes en lieu et place des départements s’agissant des services de transports non urbains, réguliers ou à la demande, mais également de la construction, l’aménagement et l’exploitation des gares publiques routières de voyageurs relevant du département (sauf pour la région Île-de-France et la Métropole de Lyon).

Demeurant en outre compétente en matière de transports régionaux de voyageurs (les TER), la région sera donc la principale concernée par les effets de la loi Macron, sur des sujets tels que la concurrence ou la complémentarité avec les modes de transports qu’elle gère et sous réserve des textes à venir, la modernisation des infrastructures d’accueil des voyageurs.

Les incidences possibles de la réforme sur la région

Suivant les études disponibles, cette libéralisation devrait générer des gains pour la collectivité publique mais pourrait également présenter des risques.

Outre les travaux de la commission d’étude des effets de la loi Macron, il est intéressant de se référer à l’avis de l’Autorité de la concurrence du 27 février 2014 relatif au fonctionnement concurrentiel du marché du transport interrégional régulier par autocar.

Celui-ci fait état d’un développement du marché du transport par autocar susceptible de stimuler l’emploi et de créer à l’horizon 2020 entre 10 000 et 16 000 emplois salariés.

S’agissant de l’impact sur l’environnement de cette réforme qui arrive en même temps que la loi du 7 août 2015 sur la transition énergétique et la COP, l’Autorité de la concurrence souligne qu’une étude récente de l’Ademe « rend compte des bonnes performances énergétiques du transport par autocar ».

Celles-ci dépendraient de variables tenant au taux d’occupation des autocars mais aussi du taux de captation d’usagers auprès de modes de transport plus ou moins polluants.

Néanmoins, si cette hypothèse se vérifie, cette réforme aurait une incidence positive sur les objectifs fixés au regard des exigences environnementales, ce qui à première vue peut sembler paradoxal.

Il n’en reste pas moins que cette réforme pourrait avoir des conséquences néfastes sur l’offre de transports publics gérés par les collectivités territoriales et plus particulièrement, la région.

Suivant l’avis de l’Autorité de la concurrence, certains opérateurs du marché mettent en avant le « risque de cannibalisation » des services de transport par les nouveaux services interurbains routiers.

S’agissant des services routiers potentiellement concurrents, les collectivités territoriales auront la possibilité de défendre les lignes conventionnées à travers le mécanisme d’opposition en codécision avec l’ARAFER, mais cela ne concernera que les lignes nouvelles de moins de 100 kms.

S’agissant des lignes de plus de 100 kms, l’effet de complémentarité ou de cannibalisation avec les lignes conventionnées ne peut être établi avec certitude.

Et ce d’autant plus que le seuil de 100 kms, âprement discuté, ne correspond pas aux études sur lesquelles l’Autorité de la concurrence s’est basée puisqu’elle a retenu un seuil de 200 kms.

La même question se pose à propos des TER dont l’équilibre, déjà précaire, pourrait être encore atteint si l’ouverture de nouveaux services interurbains de passagers implique des reports de clientèle susceptibles d’affecter le taux de remplissage des trains.

L’incidence de cette libéralisation devrait ainsi constituer une question suivie de très près par les autorités organisatrices de transport, au premier rang desquelles les régions.

 

Renaud-Jean CHAUSSADE, Avocat en droit des collectivités territoriales, Counsel du cabinet Delsol Avocats


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