Les services de santé au travail

Publié le 13 octobre 2011 à 0h00 - par

Les médecins du travail sont dans l’attente de la parution en fin d’année des textes qui réorganiseront les services de santé au travail : inquiétude pour certains, la fin d’une vocation pour d’autres ?

Les entretiens bilatéraux entre représentants du gouvernement et organisations syndicales salariées et patronales ont débuté dans un climat difficile.

Plus qu’une réforme, une véritable réorganisation des services de santé au travail

La loi n° 2011-867 du 20 juillet 2011 a modifié certains points-clés de l’organisation de la santé au travail en France avec notamment :

  • le transfert de la responsabilité de l’action de prévention des services de santé au travail du médecin du travail vers le service de santé au travail lui-même ;
  • la modification de la gouvernance avec création de conseils d’administration paritaires avec présidence patronale et attribution de la fonction de trésorier à un administrateur salarié, présidence salariée de la commission de contrôle ;
  • l’instauration d’un suivi médical  des salariés d’employeur- particuliers ;
  • la mise en place d’un projet de service pluriannuel s’inscrivant dans le cadre d’une convention d’objectifs et de moyens conclue entre l’autorité administrative et les organismes de Sécurité sociale compétents ;
  • la création d’un droit d’alerte du médecin du travail vers l’employeur et d’un droit de saisine du médecin du travail par l’employeur.

Ces modifications sont très importantes en termes d’orientation de la santé au travail qui s’inscrit encore plus profondément dans le champ plus large de la santé publique.

Une « crise » connue depuis plusieurs années

Ces modifications réglementaires n’apportent pas pourtant de réponse pour résoudre  « la crise » touchant les services de santé au travail depuis plusieurs années et qui ne fait que s’aggraver du fait essentiellement d’une pyramide des âges très défavorables du corps des médecins du travail. Un grand nombre d’entre eux seront susceptibles de faire valoir leur droit à la retraite d’ici quelques minuscules années avec, à terme, une perte d’effectif d’au moins 50 %, sans renouvellement prévisible du fait de l’abandon, entre autres, de passerelles entre médecine généraliste et médecine du travail. Cette crise démographique empêche d’ores et déjà beaucoup de services d’avoir les moyens humains pour remplir leurs missions.

Cette incapacité à répondre aux  demandes de visites médicales tant d’embauches que périodiques, SMR ou bien de reprise expose les employeurs à des risques contentieux de plus en plus importants. Certains services se sont lancés dans des expérimentations pour tenter de pallier cette situation, plus ou moins sous le couvert de dérogations administratives. D’autre part, la Cour de cassation entend régulièrement considérer que les visites de médecine du travail visent à protéger la santé des salariés et entrent dans le champ de l’obligation de sécurité de résultats des employeurs. Ceux-ci protestent de plus en plus fort de l’impossibilité où ils se trouvent de remplir leurs obligations et parlent de formalité impossible.

Que faut-il retenir de la réunion du 30 septembre 2011 ?

Cette aggravation du contentieux a été clairement exprimée par M. Combrexelle, directeur de la direction générale du travail, le 30 septembre 2011 à la CNAMTS lors d’un colloque réunissant de nombreux administrateurs d’organismes de Sécurité sociale (prévention des risques professionnels). Il a affiché la volonté de mettre fin à cette insécurité juridique.

Les décrets d’application de la loi du 20 juillet 2011 permettront de sortir de cette crise et devraient réformer en profondeur l’exercice de la santé au travail.

Les informations que nous avons pu recueillir permettent d’entrevoir les grandes lignes de la vision gouvernementale :

  • les visites périodiques auraient un rythme bisannuel au plus et pourraient être étalées sur des périodes plus longues sans bornes définies. Ce rythme serait intégré dans la convention d’objectifs et de moyens liant les services de santé au travail  à l’administration et aux organismes de Sécurité sociale.
  • Salariés SMR :  l’arrêté du 11  juillet 1977 définissant les SMS devrait être abrogé. Deux niveaux de risques SMR devraient être définis avec un risque SMR de haut niveau impliquant une visite annuelle et un risque SMR de bas niveau impliquant une visite bisannuelle.
  • Seules les visites d’embauche et de reprise feraient l’objet d’un avis d’aptitude, les autres visites feraient l’objet d’une attestation de visite ou d’une attestation d’aptitude selon la situation (restrictions d’aptitude). Les avis et attestations seraient placés sous la responsabilité des médecins du travail.
  • Les infirmières et les médecins du travail coopéreraient sans notion de relation hiérarchique. Les missions relèveraient des missions listées dans le code de santé publique ou bien rentreraient dans le cadre de délégations de taches (protocoles).
  • L’équipe pluridisciplinaire serait entendue au sens large, pouvant inclure l’ensemble des médecins du travail, des infirmières, des IPRP et assistants en santé au travail du service de santé au travail.
  • La notion d’effectifs attribués disparaîtrait.
  • Les salariés d’entreprises extérieures pourraient être suivis intégralement par le médecin du travail de l’entreprise utilisatrice.
  • Le décret intégrerait la circulaire DGT n° 1 du 5 février 2007 relative à l’application de la santé au travail à destination des salariés et des sites éloignés.
  • Le décret intégrerait l’accord santé au travail du secteur de l’intérim de 2002 prorogé pour une durée de 4 ans par avenant du 25 janvier 2006 (devenu caduque depuis 2010).
  • Inaptitude : les textes pourraient modifier la procédure de l’inaptitude définie à l’article R4624-31  du code du travail avec visite de pré-reprise qui deviendrait obligatoire (après un délai d’arrêt de travail à définir)  qui serait la première  visite d’inaptitude si elle était réalisée dans un délai (à définir) suffisamment court avant la reprise effective .
  • Le délai de recours contre l’avis du médecin du travail serait limité à 2 mois comme toute décision administrative (aucun délai à l’heure actuelle).
  • Le suivi des salariés d’employeurs-particuliers soumis à accord de branche ne serait  pas concerné par les décrets.
  • Les saisonniers bénéficieraient d’un suivi équivalent au suivi des salariés temporaires  dans l’esprit.
  • Le délai de 8 jours d’arrêt de travail consécutifs à un accident du travail qui déclenche l’obligation de la visite de reprise pourrait être augmenté.

Ces grandes lignes de la réforme pourraient être aménagées d’ici la fin de l’année au terme de toutes les rencontres bilatérales. Nul doute que la réforme bouleversera l’organisation actuelle des services de santé au travail.


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