Les internes en psychiatrie insuffisamment formés sur la responsabilité médicale

Publié le 20 janvier 2015 à 0h00 - par

HOSPIMEDIA – Une enquête menée par l’Association fédérative française des étudiants en psychiatrie (Affep) auprès des internes en psychiatrie sur la responsabilité médicale a permis de démontrer que la formation dans ce domaine est insuffisante.

Comme tous les ans depuis 2009, l’Association fédérative française des étudiants en psychiatrie (Affep) a réalisé auprès de ses adhérents et non-adhérents une enquête sur la responsabilité médicale. Du 2 avril au 28 juin, environ 1 700 internes en psychiatrie (dont 1 200 adhérents de l’association) ont été interrogés via un questionnaire sur quatre thèmes. Au total, 807 ont répondu. Ce sujet de la responsabilité médicale, indiquent à Hospimedia Alexis Lepetit, coordinateur syndical, et Aurélie Berger, anciennement vice-présidente de l’Affep, a été choisi au regard de l’actualité de fin 2013-début 2014 marquée par plusieurs procès faits aux psychiatres hospitaliers pour des actes commis par leurs patients. Alexis Lepetit cite notamment le procès de Danièle Canarelli et du psychiatre de Saint-Égrève. « L’Association s’est rendu compte en discutant avec d’autres internes que les procès sont une préoccupation fréquente de tous les internes en psychiatrie », ajoute-t-il. L’Affep a donc voulu objectiver ce sujet et connaître aussi son retentissement sur les pratiques professionnelles quotidiennes.

Demande de formation obligatoire

Le questionnaire s’est donc concentré sur quatre thèmes : la formation des internes, les craintes et l’appréhension face au risque de procès, l’impact de cette appréhension sur leurs pratiques cliniques au quotidien et le rapport à la justice en général. Sur la formation des internes, détaille Aurélie Berger, l’un des enseignements les plus significatifs est que seuls 34 % des internes répondants ont bénéficié lors de leur internat d’une formation à la responsabilité médicale et 62 % l’ont jugée insuffisante.

Par ailleurs, 96 % souhaiteraient que cette formation soit rendue obligatoire. Il conviendrait donc, précise Alexis Lepetit, que cette formation soit « étoffée ». Sur le thème des craintes et de l’appréhension des internes, 85 % des internes interrogés redoutent de subir un procès durant leur carrière et ce pourcentage est plus élevé chez les femmes. Il leur a été aussi demandé si un tel procès les conduirait à arrêter d’exercer la psychiatrie, 10 % ont répondu oui et 50 % peut-être, soit un résultat qui nous a interpellés, explique Aurélie Berger.

Un impact sur la pratique quotidienne

Sur l’impact de l’appréhension, deux résultats peuvent être mis en avant. 89 % des internes prennent en compte le risque médico-légal dans leur décision clinique au quotidien. Par conséquent, cela veut dire que les internes en psychiatrie « pèsent ce risque quasiment à chaque décision clinique importante, une considération qui rentre effectivement en ligne de compte dans la pratique », souligne Alexis Lepetit. Sur ce dernier point, l’Affep a noté l’influence de la formation à la responsabilité médicale sur l’interne. Elle a constaté en effet dans les résultats une différence significative entre les internes qui ont bénéficié d’une formation et ceux qui n’en ont pas bénéficié. Ainsi, statistiquement ceux qui en ont bénéficié ressentent moins l’impact de l’appréhension sur leur décision clinique quotidienne, explique Alexis Lepetit. « Être mieux formés leur permet de se détacher de cette crainte du procès, ce qui est logique mais a pu être prouvé objectivement avec cette enquête », ajoute-t-il. Dans la quatrième partie, enfin, dédiée au rapport à la justice, l’Affep n’a pas relevé de points probants. Elle a pensé pourtant que dans les villes où ont eu lieu des procès médiatisés, les internes en psychiatrie auraient plus peur que les autres, finalement non. En outre, les procès récents n’ont pas influencé leur vision de la justice en général. Par ailleurs, sur tous les thèmes, le facteur subdivision d’affectation n’est pas un facteur influençant.

Une enquête comme outil de réflexion

Les résultats de cette enquête, présentés pour l’heure au Congrès français de psychiatrie à Nantes en novembre dernier, feront aussi l’objet d’un article scientifique et seront également présentés au congrès de l’Encephale à Paris (du 21 au 23 janvier) sous la forme de poster. Ensuite, ils feront l’objet d’une discussion avec les instances comme le Collège national des universitaires en psychiatrie ou, plus localement, avec les responsables de formation, indique Aurélie Berger. Cela permettra de mettre en avant que les internes de psychiatrie ont une demande dans le domaine de la formation.

De la même manière, dans le cadre de la réforme du troisième cycle des études médicales, il s’agit d’un sujet qui sera porté pour qu’il soit bien abordé et remis au cœur de la réforme de l’internat et de l’enseignement théorique. Aurélie Berger ne manque pas de rappeler que le rôle premier de l’association est de promouvoir la formation des internes en proposant qu’y soient intégrés des sujets encore peu développés ou répondant à des attentes. L’enquête conduite par l’Affep leur permet par conséquent de faire remonter des sujets majeurs et s’impose comme « un outil pratique ». En 2014, l’Association s’est par exemple aussi penchée sur les attentes des internes en psychiatrie concernant la réforme de la maquette de l’internat dans le cadre de la réforme du 3e cycle des études médicales.

Géraldine Tribault

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