Le protocole de coopération intitulé « Transfert de compétence : pose de voie veineuse centrale par l’infirmière » a reçu le feu vert des autorités sanitaires depuis plusieurs mois déjà. L’arrêté autorisant sa mise en œuvre, signé par le directeur général de l’ARS Rhône-Alpes, Christophe Jacquinet (aujourd’hui démis de ses fonctions), date en fait du 22 août 2013. Seulement, le Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs de France (Snarf) n’a, lui, eu connaissance de cette autorisation que récemment. D’où sa réaction tardive…
Dans un communiqué mis en ligne sur son site internet le 10 février dernier, le Snarf indique que son conseil d’administration, réuni deux jours plus tôt, « a constaté avec stupéfaction la décision de la Haute autorité de santé (HAS) de valider, contre l’avis unanime de la spécialité, le protocole de transfert de compétence pour la pose de voie veineuse centrale par un Infirmier diplômé d’État (IDE) ». Une stupéfaction d’ailleurs partagée par le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHAR-E).
Un protocole limité
En effet, le collège de la HAS s’est prononcé le 5 juin 2013 en faveur de ce protocole de coopération initié par le Centre de lutte contre le cancer (CLCC) Léon Bérard de Lyon (plus précisément par le coordonateur du département d’anesthésie et une infirmière du CLCC). Avec quelques réserves cependant : en particulier, une limitation dudit protocole aux établissements posant au moins 1 000 voies veineuses centrales par an dont au moins 5 par professionnel et par semaine et 20 % par les médecins délégants.
Comme l’intitulé du protocole l’indique, « il s’agit de confier à l’infirmière l’anesthésie locale et la pose de cathéter veineux central », détaille la HAS dans le procès-verbal de la séance de son collège délibératif du 10 avril 2013. « L’activité dérogatoire à la condition légale d’exercice infirmier concerne : le repérage échographique, la ponction échoguidée, la vérification de la pose correcte, l’anesthésie locale. » La voie sous-clavière est, elle, exclue du protocole.
Médecin délégant à proximité
Sont concernés par ce transfert de compétence les patients atteints de pathologies cancéreuses qui nécessitent une chimiothérapie intraveineuse, dont la pose est prévue au bloc opératoire du CLCC dans une salle dédiée, le médecin délégant devant être présent à proximité. « La délégation est proposée pour permettre une meilleure continuité des soins des patients qui doivent actuellement être adressés dans d’autres établissements pour bénéficier de la pose d’un cathéter veineux central », poursuit la HAS dans son procès-verbal. Elle précise par ailleurs : « Le protocole présenté s’appuie sur une formation théorique de 20 heures et une formation pratique dont l’acquisition se fait par compagnonnage en plusieurs temps pour conduire à l’autonomie progressive de l’infirmière. »
La HAS cite également une étude d’observation de la pratique de trois infirmières formées à la ponction sous échographie des veines brachiales, basiliques, jugulaires internes et fémorales à Léon Bérard en 2011. « Les infirmières (mi-temps) ont posé 1 113 cathéters veineux centraux sur 155 journées de poses (sur un total de 2 074), parmi lesquels 642 picclines, 463 jugulaires internes et 8 fémorales », rapporte ainsi la HAS. Les résultats concernant les complications ont mis en évidence deux ponctions carotidiennes mais aucun pneumothorax ou hémothorax. » Par ailleurs, « les externalisations pour pose de Cathéter veineux central (CVC) sont passées de 880 à 250 entre 2010 et 2011 ».
Besoin croissant de poses de voies veineuses centrales
La HAS fait aussi savoir qu’elle a reçu un courrier des Hospices civils de Lyon (HCL), transmis par l’ARS Rhône-Alpes, qui expliquent constater un besoin croissant de poses de Voies veineuses centrales (VVC). Seulement, compte tenu du nombre limité de médecins poseurs, les HCL doivent transférer les patients vers des structures privées, « amenant des complications et mécontentements de la part des patients et prescripteurs », relève la HAS. « L’hospitalisation est parfois prolongée pour obtenir cette VVC avant le retour à domicile en soins à domicile ou en HAD, note-t-elle encore. Certains maintiens à domicile ne peuvent être réalisés, faute d’accès veineux sécurisés. »
Décision lourde de risques
Au final, la HAS s’est donc déclarée favorable à ce protocole, au grand dam du Snarf. « Ainsi, est désormais validée la possibilité de déléguer à un IDE un acte que même un Infirmier anesthésiste diplômé d’État (IADE) ne peut aujourd’hui légalement réaliser », conteste le Snarf. Cette décision prise pour une seule préoccupation économique est lourde de risques pour nos patients, comme l’avait souligné le Conseil d’orientation de l’anesthésie-réanimation de façon réitérée. » Contacté par Hospimedia, le président du Snarf, le Dr Christian-Michel Arnaud, insiste : « Ce que l’on voudrait, c’est que ce protocole ne s’étende pas à d’autres établissements. »
Le Snarf annonce avoir décidé « de saisir en urgence un avocat au Conseil d’État pour engager tout recours utile aux fins d’annulation de cette décision de la HAS ». Trop tard ? Un recours peut être formé devant le tribunal administratif compétent dans un délai de deux mois à compter de la publication de l’arrêté de l’ARS Rhône-Alpes, stipule l’article 6 de ce dernier. Pour rappel, l’arrêté remonte au 22 août 2013.
Sandra Jégu
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