Sollicité pour avis par la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la Toxicomanie (MILDT) sur les possibilités de dépistage des drogues en milieu de travail, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, dans un avis publié le 19 mai 2011, suggère de confier aux médecins du travail ce dépistage et de l’étendre à d’autres postes de travail que ceux dits de sécurité.
L’alcool
Les employeurs ont la possibilité de recourir à l’alcootest depuis bientôt trente ans (circulaire DRT n° 05-83 du 15 mars 1983 en application de la loi n° 82-689 du 4 aout 1982 relative aux libertés des travailleurs dans l’entreprise). Ce droit à contrôle ne concerne pas tous les salariés et il est encadré : ainsi, le règlement intérieur doit prévoir le contrôle et ses modalités de même que la contestation d’un contrôle positif.
Par ailleurs, les salariés visés doivent occuper un poste tel que l’état d’ébriété soit de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger de sorte qu’il peut constituer une faute grave. Les postes concernés sont les postes dits de sécurité sans qu’aucune liste n’ait été définie.
Autres drogues
Les dispositions sont transposables aux autres drogues, ainsi que l’a précisé ce même comité consultatif dans son rapport du 16 octobre 1989, et ne concernent que les postes dits de sécurité.
Dans son nouveau rapport, le comité rappelle longuement, de façon peut être digressive, l’état des lieux de la santé au travail et les pistes de la réforme toujours en cours, en allant jusqu’à faire des propositions, sur la formation des médecins du travail par exemple.
Dépistage des drogues et de l’alcool sous la responsabilité des services de santé au travail
Le comité propose des voies inattendues pour développer le dépistage des drogues et de l’alcool en milieu professionnel :
- Étendre ce dépistage à l’ensemble des secteurs professionnels y compris la fonction publique.
- Ce dépistage ciblerait non seulement les postes dits de sécurité nécessitant un haut degré de vigilance mais aussi les postes de sûreté quand il y a situation de risques susceptibles d’affecter la santé du salarié mais aussi la vie d’autrui. La presse généraliste évoque la possibilité d’instituer ces contrôles aux traders. En effet, si la définition des postes de sécurité est encore floue, celle des postes de sûreté qui visent objectivement des tiers à l’entreprise est encore plus incertaine.
- La liste des postes concernés ferait l’objet d’accords collectifs.
- Les salariés ou agents concernés seraient dûment informés de l’existence de ces contrôles et de leurs modalités qui figureraient dans le règlement intérieur et le contrat de travail.
- Seuls les tests salivaires sont retenus pour le dépistage des produits illicites.
- Le dépistage serait placé sous la seule responsabilité des services de santé au travail.
La motivation de ce transfert de responsabilité découle du fait que l’addiction relèverait de la santé et non de la faute.
Une révolution pour les médecins du travail
Cet avis est révolutionnaire puisque le médecin du travail est un médecin de prévention qui vise à éviter toute altération de la santé des salariés du fait de leur travail. Il n’est pas un médecin d’aptitude ainsi que l’a rappelé le conseil d’État (arrêt n° 279632 du 7 juin 2006). Cet arrêt a d’ailleurs contraint la SNCF et la RATP à scinder en deux entités différentes les médecins du travail chargés de la prévention et ceux chargés de l’aptitude à des postes de sécurité. L’aptitude à la conduite sur la voie publique et l’aptitude au pilotage professionnel est définie par des médecins agréés.
Placer sous la responsabilité du service de santé au travail le dépistage systématique ou aléatoire pour les postes de sûreté ou de sécurité est susceptible de remettre en cause la mission même du médecin du travail : médecin de prévention ou médecin d’aptitude. D’autant plus que la justification de ces contrôles est la protection du salarié et de ses co-préposés mais aussi de personnes tierces. Actuellement, la protection de tiers à l’entreprise ne relève pas de la mission du médecin du travail. C’est ce que semble suggérer néanmoins le comité pour les postes dits de sûreté.
Enfin, à l’heure actuelle, la possibilité de procéder au dépistage de l’alcool ou des drogues par le médecin du travail est possible selon l’article R. 4624-25 du Code du travail pour déterminer l’aptitude au poste de travail. La prescription d’examens complémentaires ne présente pas un caractère systématique et règlementaire. Le médecin du travail prescrit ces examens en toute indépendance. Qu’en sera-t-il dans ces nouvelles perspectives ?
L’avis du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé concernant le dépistage des drogues en milieu professionnel apporte des réponses qui soulèvent d’évidence d’autres questions fondamentales sur les missions futures des services de santé au travail.