Dans le contexte actuel de critique de la fonction publique et de « l’emploi à vie », l’étude sur l’emploi public international publiée par le CAS s’avère utile pour repositionner la France face aux autres pays de l’OCDE. Pour rappel, depuis 2007, l’État français s’est engagé dans une révision générale des politiques publiques (RGPP) partant du constat que la France se distinguait en Europe et dans le monde par le niveau très élevé de ses dépenses publiques (2e niveau mondial à l’époque). Le souhait du président N. Sarkozy était alors d’arriver à un retour à l’équilibre financier en 2012. Retour à l’équilibre irréalisable à la date prévue suite à la crise financière mais qui reste toujours en ligne de mire du gouvernement.
La RGPP affiche clairement l’objectif de « faire mieux avec moins », avec notamment, la réduction des effectifs là où cela s’avère nécessaire et la modernisation de l’organisation territoriale de l’État en définissant le niveau le plus pertinent d’action. Ainsi l’étude menée par le CAS, qui peut être mise en parallèle avec le rapport annuel sur la fonction publique publié par la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAFP), permet de démontrer l’amorce de ce changement et la mise au pas de la France sur ses voisins européens.
Poids de l’emploi public français : une nette baisse depuis 2006
C’est la première fois qu’une telle étude comparative avec l’emploi public des autres pays de l’OCDE est menée. Quelques chiffres : l’emploi public en France représente 5 277 000 d’emplois au 31 décembre 2008 (source DGAFP) soit près de 20,5 % de la population active contre 23 % fin 2007.
Depuis l’acte II de la décentralisation en 2004, l’État a transféré une partie de son personnel (techniciens et ouvriers de service dit TOS de l’Éducation nationale, celui des routes travaillant pour les DDE…) et certaines de ses compétences (routes, équipements, gestion du RSA…) aux collectivités territoriales. Ce flux d’entrées explique ainsi en partie l’évolution de la fonction publique territoriale, passée de 1,61 million fin 2005 à 1,83 million fin 2008. Parallèlement, la fonction publique d’État (FPE) a perdu près de 136 000 agents entre 2005 et 2008 (2,543 millions en 2005 contre 2,407 en 2008) dont – 16,5 % à l’intérieur des seuls ministères. La FPE reste principalement centrée sur des fonctions régaliennes ou de redistributions de services (Santé et Éducation) comme d’ailleurs nombre de nos voisins. On peut alors se demander si le niveau étatique est le niveau d’administration le plus adapté pour répondre à ces besoins.
La RGPP explique également la baisse des effectifs au sein de la FPE avec notamment le principe du « non remplacement » systématique des départs de fonctionnaires. Grâce à cela, la France est certes en dessous des pays nordiques qui dépassent tous les 20 % voire avoisinent les 30 % (Suède et Norvège) mais reste au-delà de la moyenne des pays de l’OCDE qui est de 15 %.
En comparaison avec les autres pays de l’OCDE qui ont entamé une démarche similaire à la RGPP depuis plus de 20 ans, on peut distinguer deux phases dans le processus :
- Première phase : redéploiement des effectifs et augmentation de l’externalisation des prestations. Aujourd’hui, cette phase est loin d’être aboutie pour la France. Elle nécessitera un transfert encore plus massif vers les collectivités, niveau le plus près et le plus au fait des besoins des français ; et surtout le recours à des délégations de services publics plus nombreuses. Or l’opinion publique française n’est peut être pas encore prête à faire le deuil de son modèle de « service public à la française » et de l’État providence.
- Deuxième phase : période de réembauche permettant de renforcer certaines fonctions.
Avec 90 emplois pour 1 000 habitants, la France est dans la moyenne haute
Le nombre d’emplois publics est assez similaire à la situation d’autres pays de l’OCDE. La France, avec 90 emplois pour 1 000 habitants, a le même nombre d’emplois publics que le Royaume-Uni (88 ‰ habitants) mais est très en deçà des pays nordiques (160 ‰). En revanche, si l’on compare avec l’Allemagne, le ratio est de 70 ‰ soit près de 20 ‰ de moins que la France.
Relativisons ces « bons » chiffres de l’emploi public français ! En effet, si l’on se contente de la comptabilisation des emplois publics identifiés comme tels (fonctionnaires, contractuels, contrats aidés employés par une administration et salariés d’entreprises publiques), le nombre d’agents est bien dans la moyenne des pays de l’OCDE avec ses 90 ‰ habitants. En revanche, si on recherche tous les emplois « financés sur les ressources publiques », viennent alors se greffer tous les emplois liés aux délégations de service public et autres participations indirectes de l’État dans des sociétés. Le poids de l’emploi public sur l’emploi total représente alors en France près de 22 % soit 12 % de notre PIB alors qu’en comparaison, l’Allemagne atteint seulement 10 % de l’emploi total et 6 % de son PIB. Pourquoi le PIB français est-il donc aussi impacté ? La France, contrairement aux pays nordiques ou anglo-saxons, a faiblement recours à la sous-traitance, moyen permettant de dégager des économies d’échelle, compte tenu du modèle d’État providence qui doit être présent dans tous les domaines d’activité.
La conclusion du CAS
Pour le directeur du CAS, « la situation hexagonale n’est ni extrême, ni irréformable, et encore moins figée ». Depuis 2007, le changement est en marche pour une rationalisation des dépenses publiques passant par une réduction de l’emploi public.
Dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, l’étude propose donc trois pistes de réflexion :
– Disposer d’une « vision plus complète des effectifs rémunérés sur l’impôt ». Il ne faut donc pas se contenter des seuls chiffres sur la fonction publique mais également de tous les emplois financés par les fonds publics.
– Utiliser les outils de gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) pour allouer les besoins en personnel en fonction des besoins des services et des usagers.
– « Activer les outils favorisant la mobilité externe » d’abord au sein d’un ministère, puis au-delà.
Pour aller plus loin :
Tableau de bord de l’emploi public. Situation de la France et comparaisons internationales, Centre d’analyse stratégique, décembre 2010 | |
La note de synthèse : Tendances de l’emploi public : où en est-on ?, Centre d’analyse stratégique, février 2011, n° 214 |