« On est la ville la plus minable en matière de transport collectif, sous la barre des 5 % des déplacements en bus et le vélo à 1 %. On avait besoin d’un déclic ! », lance Patrice Vergriete, maire (divers gauche) et président de « l’agglo ».
Ainsi, dans cette ville portuaire rasée à 90 % pendant la Seconde Guerre mondiale et reconstruite en laissant la part belle aux rues larges, les habitants n’ont plus besoin le week-end de débourser 1,40 euro pour un ticket.
Dans l’abribus au pied de la statue du corsaire Jean-Bart, Nadia, 42 ans, va avec ses enfants à la plage de Malo. « Avant, je ne prenais pas le bus, maintenant je le prends le week-end, comme cela je ne paye plus le parking », dit-elle, enthousiaste.
Le chauffeur, Frédéric Chopin, ressent lui une ambiance différente, grâce à une baisse sensible des incivilités. « C’est plus cool, peut-être parce que les gens n’ont pas à payer. Ne pas avoir d’argent en caisse nous permet aussi d’être plus concentré sur la conduite », remarque-t-il, constatant une hausse de la fréquentation, chiffrée selon une étude partielle à + 29 % le samedi et + 78 % le dimanche.
Certains, comme Magalie, qui vit dans un quartier populaire, ont déjà fait leurs comptes. « Mon budget transport s’élève à une cinquantaine d’euros par mois, avec la gratuité, ça va faire 600 euros d’économie par an ».
Mais comment financer cette mesure de gratuité totale toute la semaine, à partir de septembre 2018 ? « Le coût du transport collectif à Dunkerque est situé entre 45 et 50 millions d’euros, la billettique ne rapporte que 4,5 millions d’euros », explique M. Vergriete, ancien urbaniste.
« Quelque part, ce choix politique était faisable », dit-il, alors que le reste du financement est assuré par l’impôt, le versement transport et une partie du budget général de la communauté urbaine.
Quelque 65 millions ont été aussi nécessaires pour des travaux d’aménagements du réseau qui datait des années 1970 et doit absorber un doublement de la fréquentation d’ici 2020.
Pourtant, certains grincent des dents. Pour Philippe Eymery, conseiller municipal FN, il s’agit « d’une pseudo gratuité » qui sera « payée par le contribuable et plus particulièrement par les entreprises, avec la hausse du taux du versement transport ».
Redynamiser le centre-ville
La gratuité du transport collectif a en tout cas le vent en poupe, avec une centaine de réseaux entièrement gratuits dans le monde dont une trentaine en France, Niort rejoignant la liste le 1er septembre, souligne Maxime Huré, chercheur en sciences politiques et spécialiste des questions de mobilité.
« Les premières expériences ont eu lieu dans les années 1970, notamment en France à Compiègne ou encore en Italie à Bologne. Après être tombée en désuétude, l’idée de la gratuité est réapparue au début des années 2000 », explique ce chercheur à l’université de Perpignan.
Certaines municipalités y ont vu un moyen de dynamiser des centres-villes en déclin, de répondre aux aspirations écologiques ou de lutter contre l’isolement social des populations les plus paupérisées.
« Les transports collectifs ne sont pas rentables et ne le seront jamais : la gratuité est uniquement un choix politique d’allocations des ressources publiques », plaide le chercheur, soulignant que certains services publics étaient gratuits comme l’éducation.
Mais en cette époque de baisse des dotations des collectivités, le sujet divise. Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT), affiche sa réserve : « On n’est pas favorable à la gratuité totale, mais à une gratuité tenant compte des revenus », dit-il, craignant en outre une dégradation de la qualité de l’offre.
« Les collectivités qui mettent en place la gratuité disent toutes on va moderniser le réseau. C’est vrai, sauf qu’au bout de cinq ans, quand il faut renouveler le matériel, elles disent on a déjà donné beaucoup, on ne peut pas donner plus », argue-t-il.
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