Il est vrai que les pouvoirs publics ont depuis plusieurs mois initié de nombreuses mesures favorables à l’accès des PME à la commande publique, telles que :
- Le renforcement de l’obligation d’allotir.
- La simplification pour les marchés publics de moins de 25 000 € HT.
- La réservation d’une part des marchés de partenariat aux PME.
- L’encadrement des exigences possibles en matière de chiffre d’affaires des candidats.
- L’impossibilité d’éliminer un candidat pour absence de références.
- La favorisation de l’innovation (variantes, …).
- La facilitation d’accès : MPS, DUME, signature électronique, …
Mais malgré cela, l’accès des PME à la commande publique demeure bien en-deçà de leur place réelle dans l’économie française (99 % des entreprises, 58 % des titulaires de marchés publics, 30 % des contrats publics en valeur).
Cette situation, d’ailleurs plutôt propre à la France, lorsque l’on observe la commande publique au sein de l’Union Européenne, trouve ses principales causes dans l’éclatement de notre commande publique aussi bien en termes de nombre d’acheteurs que d’entreprises.
La professionnalisation enclenchée des acheteurs publics doit naturellement conduire les entreprises dans cette voie au risque de connaître de nombreuses désillusions.
Le secteur public, des spécificités à intégrer
Investir le sujet de la commande publique nécessite un investissement de départ visant notamment à appréhender l’ensemble des acteurs clés et les principaux éléments réglementaires. Citons à ce titre, la connaissance des principaux réseaux d’acheteurs publics, des différentes procédures juridiques ou encore des possibilités de médiation ou de recours. Quelle que soit la taille de l’entreprise, il est désormais impératif d’identifier au sein de l’organisation, un référent « marchés publics » à plein temps ou occasionnel.
La période clé précédant toute procédure de marché public
Accroître ses chances de remporter régulièrement des marchés publics passe inéluctablement par une présence régulière au cœur des études de marchés et autres phases de sourcing menées par les acheteurs publics. S’assurer d’être « sourcé », savoir mener un premier entretien avec un acheteur public ou encore appréhender les enjeux liés au délit de favoritisme sont autant de points à parfaitement maîtriser par une entreprise. Pouvoir identifier et qualifier une annonce constitue aussi une tâche essentielle.
L’expérience démontre le caractère crucial de cette phase. En effet, excepté les procédures intégrant des phases de négociation, les possibilités d’échanges entre l’entreprise et l’acheteur public sont, on ne peut plus, encadrées et limitées, la publication de la procédure d’appel d’offres réalisée.
Ainsi l’entreprise doit bien avoir conscience que le meilleur moyen d’exprimer pleinement sa valeur ajoutée est d’attirer l’attention de l’acheteur, lors de la phase de sourcing ou d’étude de marché, sur ses points clés : importance d’une approche en coût complet, innovations de rupture, spécificités de service…
Les étapes clés d’une réponse à un marché public
Répondre à un marché public représente à la fois un coût important et un engagement sur la durée. Il est ainsi important de s’interroger au préalable sur l’opportunité de répondre à une procédure. Il n’y a en effet aucun intérêt à répondre de manière systématique à toutes les annonces. Établir un rétro planning, se doter d’une signature électronique, industrialiser sa candidature, s’organiser pour répondre seul ou en groupement sont autant de thématiques à maîtriser.
Au-delà et eu égard à l’entrée en vigueur le 1er octobre 2018 de l’obligation de dématérialisation des marchés publics, il est essentiel dès à présent de s’assurer d’une parfaite maîtrise des profils acheteurs et des processus de réponse associés.
Si maîtriser le droit et les spécificités de l’achat public constitue un prérequis, ceci ne suffit plus aujourd’hui pour remporter un marché public. En effet, l’appétence accrue des entreprises pour la commande publique engendre, et nous pouvons nous en réjouir, une concurrence accrue. Cette concurrence conduit donc chaque entreprise à chercher à se démarquer notamment en exprimant avec efficience une approche différenciatrice d’un point de vue technique, service, innovation, engagement sociétal, performance environnemental…
Les échanges avec l’acheteur
L’achat public repose sur trois grands principes : la liberté d’accès à la commande publique, la transparence et l’égalité de traitement. Ces principes ont donc conduit le législateur à encadrer plus ou moins selon les phases les modalités d’échanges entre acheteur et entreprises. Les fournisseurs doivent donc bien maîtriser ces possibilités et les exploiter pleinement que ce soit en interrogation de l’acheteur sur tel ou tel aspect du cahier des charges ou encore à l’issue d’un rejet d’offre. Il est à noter que l’acheteur sollicitera souvent (demande de compléments ou demande de précisions) les entreprises, amenées dans ce cas à faire preuve d’une grande disponibilité et surtout réactivité.
L’exécution d’un marché public
Si remporter un marché public constitue toujours, en soit, une bonne nouvelle pour l’entreprise concernée ; elle doit avoir conscience que commence une phase tout aussi stratégique pour elle que sa réponse. En effet, bien exécuter un contrat public constitue une exigence forte ; tout défaut pouvant prendre dans la sphère publique une dimension importante et induire un risque fort de discrédit.
Il est ainsi indispensable de prendre le temps avec l’acheteur de repréciser certains aspects tels que :
- Les modalités d’application des clauses contractuelles.
- L’identification des intervenants de part et d’autres.
- La fréquence des échanges (rencontres, revues de contrat, …).
- Les modalités du service fait.
- Les points financiers (avances, acomptes, paiement, intérêts moratoires, garantie).
Chaque marché bien exécuté constitue ainsi une référence importante.
En conclusion
La commande publique constitue pour les entreprises une opportunité de développement économique mais également une caution indispensable à l’international.
L’accélération de la mutualisation des achats et la part de plus en plus importante prise par les centrales d’achats, qu’elles soient régionales ou nationales, devraient engendrer une diminution du nombre de procédures, mais générer des procédures plus importantes et une attention plus grande portée aux PME par ces acheteurs. En effet, la nécessaire professionnalisation des entreprises est étroitement liée à celle grandissante des acheteurs publics.
Il ne servirait à rien que les acheteurs se mobilisent en faveur des entreprises et notamment des PME si celles-ci ne s’organisent pas en conséquence !
De nombreuses actions sont régulièrement initiées en faveur des entreprises que ce soit au niveau des chambres consulaires, des DIRECCTE, des pôles de compétitivités, de consultants ou de structures privées.
Plus récemment, un certain nombre d’autres acteurs ont décidé d’initier de nouvelles approches intéressantes et disruptives. Parmi ceux-ci citons notamment, l’Apasp, association au service des acheteurs publics depuis plus de 50 ans, qui s’ouvre désormais en matière d’adhésion (forfait annuel économiquement accessible aux PME) mais également en matières d’outils (application smartphone, webconférence…) aux entreprises à la recherche de bonnes pratiques.
Autre élément notable, le positionnement récent des Éditions WEKA qui annonçaient récemment le lancement d’un outil unique en France (Facil’AO) conçu avec et pour les PME qui souhaitent faire de la commande publique un véritable levier de développement économique.
Un outil unique et indispensable aux entreprises qui a été orienté davantage conseil et pratique que réglementaire. Un outil également mis à la disposition des acheteurs publics pour les accompagner dans leur obligation de mener eux-mêmes des initiatives en faveur de l’accès des PME de leur territoire. En effet, les acheteurs publics ont plus que jamais besoin de fournisseurs innovants, réactifs, créatifs et de nature à les accompagner pour une plus grande efficience du service public dans un contexte budgétaire contraint.
Ainsi, il est plus que jamais recommandé aux chefs d’entreprise de s’intégrer dans ces réseaux et de se doter d’outils d’accompagnement performants en veillant au caractère adapté de ceux-ci (c’est-à-dire faisant davantage la part belle à la pratique qu’au seul droit) et à leur régulière actualisation. Si le droit de la commande publique est à ce jour stabilisé, nul doute que la pratique, elle, nécessite d’être réécrite en permanence au gré des initiatives et jurisprudences.
Un effort tout à fait atteignable pour un résultat à la hauteur des enjeux économiques et sociétaux associés.
Sébastien Taupiac,
Directeur Santé à l’UGAP
En savoir plus : Guide pratique « Chefs d’entreprise – Osez la commande publique », Médiation des Marchés publics, ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, avril 2016