Respect des droits culturels : comment appliquer la loi NOTRe ?

Publié le 14 octobre 2015 à 15h07 - par

Les collectivités territoriales et l’État ont désormais une responsabilité conjointe en matière culturelle. Mais il ne suffit pas de créer des équipements ou des services…

La loi portant nouvelle organisation de la République (loi NOTRe) du 7 août 2015 introduit une responsabilité conjointe des collectivités territoriales et de l’État en matière culturelle (article 28A). Afin de lever toute ambiguïté sur l’interprétation de ce texte, l’Irma (Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles) publie un guide pratique, signé par l’universitaire Jean-Michel Lucas. Cette responsabilité conjointe est exercée dans le respect des droits culturels énoncés par la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles du 20 octobre 2005.

Si l’article 28A fixe une norme pour la politique culturelle, il ne donne pas pour autant le contenu des actions et ne définit pas une liste d’interventions culturelles obligatoires. Il n’impose donc pas aux collectivités de modifier les projets artistiques et culturels qu’elles financent, mais elles doivent vérifier que leurs actions respectent les droits culturels des personnes.

La collectivité ne peut pas se soustraire à sa « responsabilité » en matière culturelle. À l’inverse de la « compétence » culturelle, qui l’autorise à soutenir des intervenants culturels, mais uniquement si elle le souhaite. Il ne s’agit pas de soutenir tous les projets : « une collectivité peut parfaitement exercer sa responsabilité en matière culturelle en décidant de ne pas intervenir », précise Jean-Michel Lucas. Mais le choix d’intervenir, ou non, doit être assumé publiquement et évalué conjointement par l’État et les collectivités.

Par ailleurs, l’article 28A précise l’article L. 1111-2 du CGCT, selon lequel les collectivités et l’État concourent au « développement culturel ». Ils doivent se mettre d’accord, conjointement, sur les actions qu’ils mènent en partenariat et celles qu’ils pilotent individuellement. Jusqu’à présent, la notion de « développement culturel » était interprétée de façon contrastée. Désormais, le développement culturel du territoire doit viser le respect des droits culturels des personnes. Il ne suffit donc pas de se référer au « développement de l’aménagement culturel du territoire » ou à son « développement attractif », en construisant des équipements ou en créant des services qui  répondent aux « besoins » culturels des habitants ou des touristes… C’est le « développement humain » qui est important. Il faut respecter les droits d’une personne à être reconnue dans la liberté et la dignité de son identité culturelle, pour autant qu’elle-même reconnaisse les cultures des autres. La réciprocité entre identités culturelles est la condition de la mise en œuvre des droits culturels.

Quant à la méthode de travail, Jean-Michel Lucas préconise d’ouvrir la discussion publique sur les rapports entre la situation locale et les recommandations du rapport Shaheed (Haut commissariat aux Droits de l’Homme) et de l’Observation générale 21 (Unesco), avant d’élaborer un calendrier de mise en œuvre progressive des recommandations les plus urgentes, pour répondre aux exigences de l’article 28A.

Pratiquement, cela signifie que les collectivités qui s’engagent dans des « États généraux de la culture », des « rencontres sur la politique culturelle », ou autres « conseils culturels » devraient, prendre comme cadre de travail collectif, les recommandations sur les droits culturels du comité de suivi du Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels (Pidesc) pour respecter la loi républicaine.

Toutefois, aucune sanction juridique ne s’appliquerait à une collectivité qui ne respecterait pas les droits culturels. Seule, la sanction politique reste déterminante dans le cas où le comité constaterait une violation des droits culturels par une collectivité.

 

Marie Gasnier


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