Les collectivités qui s’engagent dans une démarche de ville intelligente (Smart City) sont confrontées à divers obstacles. En effet, le caractère innovant des projets ne rentre pas dans le cadre juridique actuel et dépasse souvent le degré de connaissance numérique des citoyens, pourtant demandeurs de nouveaux services. « Les dispositifs juridiques et réglementaires existants {…} ne permettent pas de réaliser les ambitions des métropoles en termes de partenariats d’expérimentation, de déploiement des innovations, de nouvelles formes de collaboration ou de gestion des données de service », explique ainsi Fanny Bertossi dans le rapport « Villes intelligentes, smart, agiles » du Commissariat général au développement durable (CGDD)*.
Le rapport soulève par exemple l’absence de cadre précisant les compétences, notamment dans le contexte d’intégration des métropoles et des villes-centres, la complexité des marchés publics pour les TPE-PME et les startups, et le manque de visibilité des actions engagées.
Le financement des projets « ville intelligente » est principalement public (à près de 70 %), dont une grande part sur des fonds européens. Or, l’Union européenne exige un montage complexe, avec de multiples partenaires, qui demande beaucoup de temps. L’appel à projets impose des délais très courts, au détriment de la bonne conception des projets et de la recherche des partenaires les plus adaptés.
Par ailleurs, se pose la question du modèle économique des projets innovants, qui permettrait aux collectivités de les déployer à grande échelle et de façon pérenne, une fois l’expérimentation terminée.
Autre enjeu majeur, selon le rapport du CGDD, la nécessité d’inculquer une culture numérique aux agents, aux élus et aux citoyens. Malgré la création de structures transversales, les directions métiers des collectivités sont encore soucieuses de leurs prérogatives, ce qui peut freiner le lancement ou la réorientation de projets existants ou l’abandon de ceux qui ne sont pas pertinents.
La collectivité doit aussi faire évoluer ses compétences techniques et juridiques pour gérer les projets et engager un dialogue équilibré avec les fournisseurs de technologies et de services. Il faut également déterminer les attentes légitimes des habitants suscitées par le numérique, auxquelles la collectivité doit répondre, et celles qui dépassent sa compétence. Les citoyens doivent comprendre les enjeux du numérique et s’approprier les nouveaux services, pour éviter que la Smart City ne soit perçue comme une démarche marketing déconnectée de leurs préoccupations ou pire, comme une sorte de « big brother ».
Il convient en outre de mobiliser les acteurs économiques, essentiels à la réussite de la démarche, même en dehors de tout appel à projet et de tout financement. La gestion des données (propriété, valorisation, commercialisation, mise à disposition) est aussi à prendre en compte, ainsi que l’inquiétude des citoyens pour leurs données personnelles.
Marie Gasnier
* Source : Villes intelligentes, « smart », agiles : Enjeux et stratégies de collectivités françaises, Étude du Conseil général du développement durable sur les territoires intelligents, mars 2016